Le sergent d'état-major soupçonné d'avoir tué 16 civils afghans a livré un vibrant et détaillé témoignage sur la vie de soldat en Afghanistan, selon son avocat qui l'a rencontré pour la première fois, lundi, afin d'établir une stratégie de défense.

Me John Henry Browne a confié qu'il a discuté pendant plus de trois heures, lundi matin, avec Robert Bales, qui est détenu en isolement dans une cellule d'une prison militaire. Me Browne, son associée Emma Scanlan et Bales devaient discuter de nouveau lundi après-midi.

«Vous avez lu au sujet de ce qui se passe sur le terrain en Afghanistan. J'ai lu sur le sujet. Mais c'est complètement différent lorsque vous en entendez parler de la part de quelqu'un qui y était», a raconté Me Browne à l'Associated Press, pendant la pause du repas.

«C'est vraiment très touchant.»

Selon Me Browne, Bales se souvient de certains détails, avant et après les meurtres, mais très peu du moment précis où, croient les autorités militaires, il aurait déclenché le massacre.

Le militaire de 38 ans n'a toujours pas été formellement accusé en lien avec la tuerie du 11 mars, qui a mené à des manifestations en Afghanistan, compromis les relations entre l'Afghanistan et les États-Unis et menacé de bouleverser la politique américaine liée à cette guerre, vieille de dix ans. Des accusations officielles pourraient être déposées d'ici une semaine.

Me Browne, un avocat de Seattle qui a défendu le tueur en série Ted Bundy et un voleur surnommé le «Bandit aux pieds nus», a précisé s'être occupé de trois ou quatre cas liés au domaine militaire. L'équipe d'avocats de la défense inclut un avocat des forces armées, le major Thomas Hurley.

Selon Me Browne, Bales a profité de la rencontre de lundi pour apporter des éclaircissements au sujet de l'explosion d'une bombe artisanale, un événement d'abord relaté par la famille du soldat, et à la suite de laquelle un ami de Bales a perdu une jambe. Selon Bales, l'explosion est survenue deux jours avant la tuerie, et non la veille, et Bales n'a pas vu l'explosion, seulement les conséquences.

Les détails relatifs à l'explosion n'ont pu être confirmés dans l'immédiat.

Des responsables militaires ont déclaré que Bales, après avoir bu à une base militaire du sud de l'Afghanistan, s'est rendu dans deux villages, durant la nuit, et abattu ses victimes avant de mettre le feu à plusieurs d'entre elles. Neuf des victimes étaient des enfants et 11 appartenaient à une seule famille.

Bales est arrivé à Fort Leavenworth vendredi dernier et il est détenu dans le même établissement qui a abrité d'autres célèbres intimés. Le soldat Bradley Manning, qui est accusé d'avoir livré des documents secrets au site internet WikiLeaks, y a été gardé en quelques occasions, en attendant la tenue de son procès.

Selon la porte-parole Rebecca Steed, le processus d'intégration de Bales aux démarches de détention avant procès a déjà été enclenché. Ce processus inclut la récréation, les repas et le ménage de l'endroit où il vit. Mme Steed a précisé que le processus normal d'intégration reprendra son cours à l'issue des rencontres avec ses avocats.

L'épouse de Bales, Karilyn, a présenté ses condoléances aux familles des victimes, lundi, et déclaré qu'elle voulait savoir ce qui était arrivé. Sa famille et les membres de sa belle-famille sont profondément attristés, a-t-elle confié, tout en ajoutant que ce qu'elle avait lu et entendu dans les médias ne correspondait absolument pas avec l'homme qu'elle dit connaître et admirer.

Des documents judiciaires et des interviews mentionnent que Bales avait reçu des mentions de bonne conduite après avoir participé à quatre missions en Irak et en Afghanistan. Il s'est joint aux forces armées après les attaques terroristes du 11 septembre 2001.

Mais il a aussi connu sa part d'ennuis au cours des dernières années. Un investissement en Floride a mal tourné, sa maison de la région de Seattle a été confisquée au moment où il avait de la difficulté à effectuer ses versements pour une autre résidence et, récemment, il a échoué dans ses efforts pour obtenir de l'avancement.

Il a aussi fait face à des accusations d'agression à l'endroit d'une amie de coeur et, lors d'un accident suivi d'un délit de fuite, il se serait enfui, ensanglanté, dans un boisé vêtu d'un costume militaire, selon des documents judiciaires. Il a déclaré à la police qu'il s'était endormi au volant et a payé une amende dans le but de faire disparaître les accusations.

Par ailleurs, plus tard lundi, un employé du bureau du greffier du tribunal du comté de Volusia a confié que Bales avait été intercepté pour possession d'alcool à une plage de Daytona Beach, en Floride, en mars 1998. Bales avait 30 jours pour payer l'amende de 65$ ou la contester en cour. Il n'a fait ni l'un, ni l'autre, et les autorités avaient émis un mandat d'arrestation.

Mais selon les autorités, le mandat est venu à échéance en août 2003 et l'affaire a été abandonnée en mars 2006.

Selon un spécialiste américain des affaires militaires qui a requis l'anonymat, s'il y a procès, celui-ci se déroulera aux États-Unis. Ce spécialiste a précisé que la nature des accusations faisait toujours l'objet de discussions et que le lieu du procès n'avait toujours pas été établi.

Si le suspect doit subir un procès, il est possible que des victimes et témoins afghans soient transportés aux États-Unis pour y prendre part», a aussi confié ce spécialiste.