Des inconnus ont attaqué mardi une délégation chargée par le gouvernement afghan d'enquêter sur le massacre de 16 civils par un soldat américain dans le sud, tuant un soldat et blessant un policier selon le gouvernement, qui a accusé les rebelles talibans.

Dans l'est, des centaines de personnes ont brièvement défilé aux cris de «Mort à l'Amérique!» à Jalalabad, une première manifestation depuis la tuerie qui fait craindre une nouvelle vague d'émeutes anti-américaines après celles, meurtrières, provoquées en février par l'incinération de Corans.

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La délégation a été attaquée dans le district de Panjwayi, bastion taliban de la province de Kandahar où, dimanche avant l'aube, un soldat américain de la force de l'OTAN (ISAF) avait quitté sa base lourdement armé et abattu les occupants de trois maisons de villages alentour, dont neuf enfants et trois femmes, avant de brûler leurs corps, de revenir à la base et de se rendre.

«Au moins un ennemi s'était caché. Il a ouvert le feu lorsque la délégation est arrivée. Un soldat a été tué et un policier blessé», a déclaré le porte-parole du ministère afghan de l'Intérieur, Sediq Sediqqi.

Par le terme d'«ennemi», les autorités afghanes désignent habituellement les talibans, chassés du pouvoir à la fin 2001 par une coalition internationale menée par les États-Unis et qui combattent depuis le gouvernement de Kaboul et ses alliés de l'OTAN. Lundi, les rebelles avaient juré de venger «chacun des morts» tués dimanche par «les sauvages malades mentaux américains».

Selon un correspondant de l'AFP sur place, les tirs ont duré environ dix minutes, et deux frères du président Hamid Karzaï se trouvaient dans cette délégation venue de Kaboul, en compagnie de plusieurs responsables provinciaux.

Une partie de la délégation est restée sur place pour enquêter sur le massacre, a indiqué un de ses membres.

À Jalalabad, principale ville de l'Est afghan, quelque 400 étudiants ont défilé pendant deux heures dans le calme avant de se disperser sans incident.

«Le djihad (guerre sainte) est le seul moyen de bouter les envahisseurs américains hors d'Afghanistan», pouvait-on lire sur une des nombreuses pancartes brandies par la foule.

À Washington, le département d'État a expliqué que les États-Unis restaient «préoccupés» par la possibilité que la tuerie déclenche un mouvement de protestation semblable à celui qui avait suivi l'incinération des Corans par des soldats américains fin février dans leur base de Bagram, au nord de Kaboul.

Cet acte, jugé blasphématoire, avait déclenché de violents rassemblements anti-américains qui avaient fait près de 40 morts dans le pays.

Les manifestants de Jalalabad ont notamment réclamé que le coupable du massacre soit jugé publiquement en Afghanistan, comme le Parlement afghan l'avait «fermement demandé» aux Américains la veille.

Washington y a opposé une fin de non-recevoir, indiquant que le soldat serait poursuivi par la justice militaire américaine. Il encourt la peine de mort en cas de condamnation, a précisé le secrétaire à la Défense Léon Panetta.

Le Pentagone a dit privilégier la piste d'un acte isolé dont les motivations restent à établir.

Cette équipée meurtrière risque de compliquer encore plus les difficiles négociations en cours entre Washington et Kaboul sur les modalités de la présence américaine en Afghanistan après 2014, date à laquelle la force de l'ISAF (130 000 soldats, dont 90 000 américains) dirigée par les États-Unis prévoit d'avoir retiré toutes ses troupes de combat du pays.

Face à la récente multiplication des difficultés, certains dirigeants occidentaux ont évoqué la possibilité d'un retrait anticipé, en dépit de la faiblesse du gouvernement allié de Kaboul.

Le président américain Barack Obama a toutefois mis en garde lundi contre tout retrait «précipité» d'Afghanistan. «Il est important pour nous d'assurer un retrait de manière responsable pour que nous n'ayons pas ensuite à devoir y revenir», a-t-il souligné.

L'Iran a réagi mardi au massacre de dimanche en condamnant les «crimes» commis par les forces américaines en Afghanistan et en demandant leur retrait rapide du pays.