Le nom de Mahmoud Ahmadinejad ne figurera pas sur les bulletins de vote aux élections législatives de vendredi en Iran, mais le président et son héritage politique se retrouveront néanmoins au centre du scrutin.

La course électorale visant à pourvoir les 290 sièges du Parlement s'est transformée en lutte entre les différents groupes conservateurs qui se sont ligués les uns contre les autres depuis 2009, après la répression des mouvements réformistes ayant suivi la réélection contestée de Mahmoud Ahmadinejad, les dernières élections d'importance en Iran.

L'un de ces groupes conservateurs entend limiter le poids politique du président Ahmadinejad, tandis que les autres espèrent lui redonner de l'élan après une lutte de pouvoir avec l'ayatollah Ali Khamenei, guide suprême de la Révolution islamique.

Le résultat des élections législatives ne changera pas les principales politiques de l'Iran, mais pourrait donner le ton à la dernière ligne droite du mandat de M. Ahmadinejad et à l'élection présidentielle de 2013, qui désignera son successeur.

Une forte participation des partisans de M. Ahmadinejad lui permettrait de prolonger son influence politique et lui donnerait l'occasion d'exercer une certaine influence sur la présidentielle de l'an prochain. Tout autre scénario pourrait lui causer des difficultés et cimenter le contrôle des partisans de la ligne dure sur les affaires iraniennes.

Les progressistes, les réformistes et les groupes de jeunes qui ont mené les manifestations contre les fraudes électorales en 2009 sont virtuellement absents des élections législatives, après une vague de répression et d'arrestations. Les conservateurs, qui n'ont plus d'ennemi unique, sont divisés en plusieurs factions qui soutiennent ou rejettent Mahmoud Ahmadinejad pour avoir osé défié l'ayatollah Khamenei et la théocratie au pouvoir.

«Les réformistes ne sont nulle part», a commenté Maryam Khatibi, une analyste politique à Téhéran.

Le Parlement iranien a plus de pouvoir que la plupart des assemblées élues des autres pays du Moyen-Orient. Il a notamment la responsabilité d'allouer les budgets et comprend des comités consultatifs influents sur des dossiers comme la sécurité nationale et les affaires étrangères. Le Parlement actuel est présidé par l'ancien négociateur nucléaire Ali Larijani.

Mais le Parlement n'a pas le pouvoir direct d'imposer des décisions politiques à l'ayatollah Khamenei ou aux puissantes forces armées placées sous son contrôle, notamment les Gardiens de la révolution.

Au cours des dernières années, les élections législatives iraniennes ont représenté le meilleur indicateur de la lutte entre les partisans de la ligne dure et les groupes qui demandent de plus grandes réformes politiques. Mais après près de trois ans de répression contre les courants réformateurs, les élections sont désormais une lutte de haut niveau entre les survivants de la rafle: tous des conservateurs dont les principales idées politiques ne se distinguent presque pas.

La principale source de division est le président Ahmadinejad lui-même. Au cours de son deuxième mandat, il a graduellement tenté d'étendre son influence dans les domaines contrôlés par les religieux, notamment la politique étrangère.

Une sérieuse rupture est survenue en avril, quand Mahmoud Ahmadinejad a boycotté les réunions du gouvernement pendant plus d'une semaine après que l'ayatollah Khamenei eut ordonné le retour en poste du ministre du Renseignement, Heidar Moslehi, que M. Ahmadinejad avait renvoyé.

En représailles, des dizaines de collaborateurs de M. Ahmadinejad ont été arrêtés ou exclus de l'arène politique. Les médias les plus conservateurs ont commencé à affirmer que le protégé de M. Ahmadinejad, Esfandiar Rahim Mashaei, était à la tête d'un «courant déviant» voulant ébranler le régime islamique.

La situation est devenue si tendue que l'ayatollah Khamenei a suggéré que l'Iran abandonne un jour le poste de président et revienne à un gouvernement choisi parmi les membres du Parlement.

Hamid Reza Shokouhi, journaliste politique au quotidien «Mardomsalari», prédit que les opposants de Mahmoud Ahmadinejad feront des gains importants aux élections de vendredi. Et les critiques contre M. Ahmadinejad vont se multiplier, selon lui.

Toutes les élections iraniennes passent par un processus de «filtrage». Un groupe contrôlé par les religieux au pouvoir doit approuver tous les candidats et exclut ceux considérés comme liés à l'opposition. Cette année, plus de 3400 candidats ont été autorisés à se présenter.

Aucun réformateur d'importance n'est candidat, et les dirigeants iraniens ont appelé les citoyens à participer largement au scrutin pour compenser le boycottage attendu de l'opposition. Les radios et les télévisions ont diffusé sans arrêt des appels au vote, qualifiant les élections de «devoir religieux».

Jeudi, tous les principaux quotidiens de Téhéran ont affiché en page couverture des remarques de l'ayatollah Khamenei, qui a affirmé qu'un taux de participation élevé serait «une gifle au visage de l'arrogance», une référence aux États-Unis et aux autres puissances occidentales.

En 2008 et 2004, le taux de participation aux élections législatives a été respectivement de 57 et 51 pour cent. L'agence de presse semi-officielle Fars a prédit un taux de participation de plus de 65 pour cent cette année.

Les résultats préliminaires sont attendus tôt samedi matin.