Le président israélien Shimon Peres a adressé mercredi un message de paix au peuple iranien lors d'un discours au Parlement, malgré des décennies d'animosité entre les deux pays.

«Nous ne sommes pas nés pour être ennemis et il n'y a aucune nécessité pour nous de vivre en ennemis», a affirmé M. Peres. «Ne laissez pas le drapeau de l'hostilité couvrir de son ombre notre héritage historique», a-t-il ajouté.

Israël accuse depuis des années l'Iran, qu'il considère comme son principal ennemi, de vouloir se doter de l'arme nucléaire sous couvert d'un programme civil, ce que Téhéran dément.

Ces dernières semaines, les rumeurs sur l'imminence d'une offensive israélienne se sont amplifiées, alimentées par des déclarations de dirigeants israéliens et des éditoriaux dans les médias internationaux.

La semaine dernière, le Guide suprême iranien, l'ayatollah Ali Khamenei, a de nouveau qualifié le «régime» en Israël de «dangereuse tumeur qui doit être extirpée». «À partir de maintenant, nous allons soutenir tout groupe qui combat le régime sioniste», a-t-il ajouté.

Avant la révolution islamique de 1979, à l'époque du Chah, Israël et l'Iran entretenaient des relations étroites notamment dans le domaine militaire.

L'ambiguïté israélienne

Israël cultive l'ambiguïté sur d'éventuelles frappes contre l'Iran et se réserve ainsi toutes les options pour freiner le programme nucléaire militaire prêté à Téhéran, estiment des experts israéliens.

Israël, considéré comme la seule puissance nucléaire régionale, se dit déterminé à empêcher l'Iran d'accéder à ce statut, y compris par la force, y voyant une «menace existentielle». Téhéran dément que son programme nucléaire civil cache un volet militaire, comme l'en soupçonne la majorité de la communauté internationale.

Nombre d'experts sont toutefois circonspects sur cette rhétorique, estimant qu'Israël cherche en fait à s'épargner une intervention armée en faisant ainsi pression sur l'Iran et la communauté internationale.

«Israël veut de toute évidence que d'autres pays empêchent l'Iran de parvenir à l'arme nucléaire en évoquant la possibilité d'une attaque», affirme à l'AFP le professeur de sciences politiques Yéhezkel Dror.

«C'est un moyen de dissuasion et de mobilisation, et cela s'inscrit dans une stratégie relativement évidente, qui marche plutôt bien», opine-t-il.

Israël durcit le ton

Les dirigeants israéliens ont nettement durci le ton.

La semaine dernière, le ministre chargé des Affaires stratégiques Moshé Yaalon a assuré qu'il était possible de détruire les installations nucléaires souterraines les mieux protégées.

Face à la nervosité de la communauté internationale, de Washington en particulier, le premier ministre Benyamin Nétanyahou a demandé aux membres de son gouvernement et aux généraux de cesser de «palabrer» (discuter) sur d'éventuels raids contre l'Iran.

Pour l'analyste de défense et expert des services de renseignements Ronen Bergman, les menaces d'attaques constituent un bon moyen de cautionner d'emblée une future opération militaire.

«Israël prend les devants en déclarant à la communauté internationale: «Nous vous avons prévenus que si vous n'agissez pas, eh bien nous nous en chargerons»», explique-t-il à l'AFP.

Selon lui, les dirigeants israéliens cherchent aussi à se justifier par avance en assurant avoir «donné l'alerte et fait l'impossible au fil des ans pour que le monde impose des sanctions à l'Iran et évite une attaque».

Dans une analyse remarquée parue le mois dernier dans le New York Times et intitulé: «Est-ce qu'Israël va attaquer l'Iran?», M. Bergman concluait, sur la base de ses entretiens avec des hauts responsables israéliens, qu'une opération israélienne cette année était probable.

Il reconnaît toutefois qu'un certain degré d'incertitude subsiste parmi les sources les mieux informées. «La décision d'attaquer n'a pas été prise», affirme-t-il.

Le professeur Avner Cohen, du Centre d'études pour la non-prolifération des armes nucléaires, basé en Californie, juge pour sa part que «dans le contexte actuel, les déclarations sur une attaque israélienne relèvent sans doute à 80% d'un bluff, dans la mesure où Israël n'a pas encore pris de décision».

Mais cet Israélo-Américain ajoute que faute d'action internationale stoppant le programme nucléaire de Téhéran, «Israël pourrait agir seul. Et de ce point de vue, ce n'est pas du bluff».

La menace militaire israélienne est en outre à double tranchant, car les dirigeants iraniens «n'ont pas besoin des armes nucléaires mais veulent surtout être perçus comme étant proches d'en disposer», souligne Avner Cohen.

Selon lui, «c'est uniquement si l'Iran est attaqué qu'ils se retireront du Traité de non-prolifération (TNP) et déclareront leur droit à disposer de l'arme nucléaire au nom de l'autodéfense».

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