Entre Jérusalem et Jéricho, des dizaines de campements sont visibles de la route. Ils sont menacés par des ordres de démolition. La communauté internationale a dénoncé le déplacement de cette population bédouine, laquelle, de son côté, craint de tout perdre à tout moment.

Quand la nuit tombe, la petite fille de Nasser Abou-Daouk implore son père de fermer l'entrée de leur tente. Elle craint l'arrivée d'un «homme de la sécurité israélienne», responsable des démolitions.

Depuis plusieurs années, les 300 familles bédouines de Khan al-Ahmar, entre Jérusalem et Jéricho, vivent dans la peur. Ces Palestiniens autrefois nomades se sont établis il y a de nombreuses années dans ces vallées désertiques de Cisjordanie. Ils vivent en bordure d'une autoroute, sans électricité ni eau courante.

Toutes leurs «structures» - des tentes, des cabanes de tôle et de bois, une école faite de pneus et de boue séchée - sont visées par un ordre de démolition. Ils n'ont jamais reçu l'autorisation légale pour bâtir dans cette région, qui, comme 60% de la Cisjordanie, est en zone C, sous contrôle exclusif israélien. Il leur est pratiquement impossible d'obtenir un permis.

Ils pourraient devoir quitter les lieux au cours du mois. Les habitants de Khan al-Ahmar disent avoir reçu il y a quelques semaines un avertissement verbal des autorités israéliennes. Déjà, depuis deux mois, quelques structures ont été démolies deux fois.

«On vit dans la peur, dit Nasser Abou-Daouk, un jeune homme de 27 ans qui a toujours vécu là. Chaque jour, on se dit qu'ils peuvent venir et démolir. Si ce n'est pas aujourd'hui, c'est demain, si ce n'est pas demain, ce sera le jour d'après... C'est un sentiment d'impuissance difficile à vivre.»

En décembre, l'ambassadeur de l'Union européenne en Israël a exprimé ses inquiétudes sur le sort des Bédouins de cette zone de Cisjordanie. Le déplacement des quelque 20 communautés dispersées entre Jérusalem et Jéricho, qui comptent environ 3000 personnes, pourrait permettre l'agrandissement du bloc de colonies de Maale Adumim, dont les maisons aux toits orange, au sommet des monts, sont visibles de Khan al-Ahmar. La communauté internationale s'est maintes fois élevée contre le projet, qui couperait en deux la Cisjordanie et rendrait difficile l'établissement d'un État palestinien sans continuité géographique.

À l'automne, la Cour suprême d'Israël a rejeté la demande de colons israéliens de la région qui souhaitaient faire fermer l'école primaire de Khan al-Ahmar. Construite en 2009 par une ONG italienne, elle accueille plus de 70 enfants des communautés bédouines voisines.

Le rejet de la demande est loin de rassurer la communauté et les organismes qui la soutiennent. Selon le Comité israélien contre les démolitions de maisons, qui se décrit comme une organisation politique pour les droits de la personne, cela pourrait au contraire accélérer les actions. «Et avec l'élection américaine qui s'en vient, on s'attend à ce que la situation se détériore», précise Itay Epshtain, codirecteur de l'organisme.

Israël se défend de vouloir déplacer de force les communautés bédouines. Dans un courriel envoyé à La Presse, le porte-parole du coordonnateur des activités du gouvernement dans les Territoires (COGAT), lequel relève du ministère de la Défense israélien, a expliqué qu'aucune décision ferme n'avait été prise concernant les Bédouins de la région. «Un certain nombre de solutions de rechange sont examinées, faisant partie de l'engagement pour améliorer les normes de vie de toute la population qui vit dans la zone C, avec pour principe de créer des infrastructures adéquates et un dialogue avec les tribus.»

L'endroit où les Bédouins seraient invités à se réinstaller demeure aussi incertain, selon le COGAT. L'évocation d'un lieu près d'un dépotoir municipal, à la lisière de Jérusalem, a soulevé beaucoup d'opposition.

«Peu importe ce qui arrive, on veut rester ici, souligne Nasser Abou-Daouk, en égrenant un chapelet musulman. On vit dans des tentes. On peut vivre sans toit au-dessus de notre tête; on veut rester ici.»