Cinq militants pro-démocratie ont été condamnés dimanche à Abou Dhabi à des peines allant jusqu'à trois ans de prison, notamment pour avoir «insulté» les dirigeants des Émirats arabes unis, un pays pétrolier du Golfe épargné par le Printemps arabe.

Le blogueur émirati Ahmed Mansour, ingénieur et membre du comité consultatif de la division Moyen-Orient de Human Rights Watch (HRW) et de l'ANHRI (Réseau arabe d'information sur les droits de l'Homme), a été condamné à trois ans de prison, et ses quatre compagnons à deux ans.

Les cinq hommes -quatre Émiratis et un apatride- avaient été arrêtés en avril et leur procès s'était ouvert le 14 juin devant la Haute cour fédérale de justice à Abou Dhabi.

Outre M. Mansour, il s'agit de Nasser Ahmad ben Gaïth, professeur à la branche de la Sorbonne d'Abou Dhabi et partisan de la réforme politique, ainsi que des blogueurs Fahd Salem Dalak, Ahmed Abdel Khaleq Ahmed (apatride) et Hassan Ali al-Khamis.

Ils ont été condamnés pour avoir «humilié le chef de l'État, le vice-président et le prince héritier d'Abou Dhabi» et avoir incité à «boycotter les élections du Conseil national fédéral et à tenir des manifestations», selon l'agence officielle WAM.

Certains des militants jugés sont signataires d'une pétition réclamant des réformes politiques, dont l'élection au suffrage direct et l'élargissement des pouvoirs du Conseil national fédéral, une instance consultative sans réels pouvoirs dont les dernières élections se sont tenues en septembre.

Le tribunal a également ordonné la fermeture du forum internet al-Hiwar (le dialogue) utilisé par les militants.

Le verdict est sans appel, mais les condamnés peuvent être graciés par le président des Émirats, cheikh Khalifa ben Zayed Al-Nahyane.

Comme lors des audiences précédentes, les cinq hommes ont refusé de comparaître. Un policier a affirmé aux juges qu'ils considéraient que le tribunal ne leur avait «pas permis de se défendre».

Les militants avaient annoncé avoir entamé une grève de la faim le 13 novembre pour réclamer leur libération, mais il n'a pas été possible de savoir s'ils la poursuivaient.

«Cette décision est terrible. Cela montre qu'il n'y a pas de garantie d'un procès équitable aux Émirats», a déclaré un représentant de Human Rights Watch (HRW), Samer Muscati, qui a assisté à l'audience.

Il a ajouté que le procès avait été marqué par «des irrégularités dès le premier jour» et que les avocats ne pouvaient pas interroger les témoins à charge.

Amnesty International a estimé que «pendant le procès, des personnages, ayant apparemment des liens avec le gouvernement, ont orchestré une campagne de calomnies» contre les cinq accusés dénonçant une «parodie de justice».

Sept organisations des défenses des droits de l'Homme, parmi lesquelles    Amnesty International et HRW, avaient appelé à «la libération immédiate et inconditionnelle» des cinq militants et l'abandon des charges.

Khalifa al-Nuami, un proche de ben Gaïth, a qualifié le verdict de «très dur et choquant». «Nous appelons nos cheikhs à les gracier. Ce sont leurs enfants», a-t-il dit, en référence aux relations étroites entre les Émiratis et leurs dirigeants.

Quelque 200 personnes se sont massées dans un parc faisant face au tribunal pour manifester leur hostilité aux militants.

«Je m'attendais à un verdict plus sévère. Ces hommes menaçaient la sécurité et la stabilité de notre pays et insultaient nos dirigeants», a affirmé à l'AFP Hamad Jaber, venu de l'oasis d'Al-Aïn.

Mohammed al-Hossani, un fonctionnaire de 33 ans, a également estimé que le verdict n'était pas assez sévère.

«Nous avons confiance en nos dirigeants, qui donnent au peuple ce qu'il mérite et ne nous ont jamais déçus».

Véritable État providence, les Émirats, riche fédération du Golfe, ont été épargnés par la vague de contestation populaire dans le monde arabe.