L'Iran, depuis longtemps déjà à la manoeuvre pour avancer ses pions en Irak, devrait être le principal bénéficiaire de la perte d'influence de Washington dans le pays après le retrait des forces armées américaines à la fin de l'année, selon des analystes.

Les quelque 39 000 soldats américains encore stationnés en Irak auront quitté le pays d'ici fin 2011, tirant un trait sur «près de neuf années de guerre», a confirmé vendredi le président américain Barack Obama.

Iran et Irak se sont eux-mêmes affrontés dans les années 80 dans une guerre dévastatrice. Mais ils ont depuis renoué des liens étroits, en particulier en matière de commerce et de tourisme religieux.

Il s'agit de «relations spéciales», a estimé samedi le président iranien Mahmoud Ahmadinejad, qui a aussi pronostiqué que le retrait des forces américaines d'Irak allait «entraîner un changement dans les relations» entre Téhéran et Bagdad.

Selon Ali al-Saffar, analyste pour l'institut Economist Intelligence Unit à Londres, «l'influence iranienne est vaste en général et profonde par endroits, en particulier dans le sud». L'Iran «a fait en sorte, depuis (l'invasion américaine de) 2003, de ne pas mettre tous ses oeufs dans le même panier et maintenant, il récolte les fruits de cette politique».

«Avec le retrait, l'influence américaine va faiblir et je pense que tant l'Iran, via ses alliés, que les voisins arabes de l'Irak (...) vont tenter de s'immiscer pour renforcer leurs partis politiques de prédilection».

«Le principal objectif politique des Iraniens en Irak est d'avoir au pouvoir une coalition dominée par les islamistes chiites», estime Reidar Visser, analyste et auteur d'un blogue spécialisé.

«Surtout, l'Iran a réussi à définir les paramètres de la politique irakienne via un premier ministre (Nouri al-Maliki, ndlr) qui s'appuie sur une alliance chiite sectaire (...). Tant que la politique irakienne se définira en des termes confessionnels, l'Iran aura l'avantage», juge-t-il.

Les experts soulignent que l'Iran est d'autant plus disposé à imposer ses vues en Irak qu'il craint de perdre son principal allié de la région, la Syrie, où le régime du président Bachar al-Assad est en proie depuis des mois à un vaste mouvement de contestation.

«Après le retrait, l'influence iranienne va croître, car l'Iran se concentrera davantage sur l'Irak, surtout qu'ils sont en train de perdre la Syrie», juge Ihsan al-Shammari, un analyste basé en Irak, tout en prévenant: «L'interférence iranienne sera négative si l'Irak ne suit pas l'Iran».

Reidar Visser est du même avis: «Jusqu'à présent, le but (de Téhéran) était de limiter l'influence américaine, mais désormais le nouvel objectif sera d'être sûr que le gouvernement irakien reste dépendant de Téhéran».

«L'Irak va devenir deux fois plus important pour les Iraniens si jamais ils perdent du terrain en Syrie», souligne-t-il.

Le retrait à peine confirmé, les États-Unis ont pris soin de mettre en garde l'Iran contre toute velléité de chercher à tirer les ficelles chez son voisin.

«L'Amérique se tiendra aux côtés de ses alliés et amis, Irak compris», a lancé la secrétaire d'État américaine, Hillary Clinton, à l'intention des «voisins de l'Irak», visant implicitement l'Iran. Washington accuse régulièrement l'Iran de financer et d'entraîner les milices chiites qui s'attaquent aux soldats américains d'Irak, ce que Téhéran dément.

Si les États-Unis ne sont toujours pas certains, faute d'accord avec Bagdad, de pouvoir maintenir après 2011 un petit contingent de formateurs militaires en Irak comme ils l'entendaient initialement, ils pourront tout au moins s'appuyer sur la plus grande ambassade du monde (environ 15 000 personnes), ainsi que des consulats à Bassora (sud) et Erbil (nord)