L'échange entre le soldat israélien Gilad Shalit et un premier contingent de 477 prisonniers palestiniens a débuté la nuit dernière, grâce à une entente entre le Hamas et Israël. Notre correspondante s'est rendue dans le village de Kobar, en Cisjordanie, qui attend la libération de trois des siens.

Des banderoles arborant le drapeau palestinien ont été installées au centre du village de Kobar, à une vingtaine de kilomètres au nord de Jérusalem. Quatre visages ont été peints au pochoir sur les murs: Na'il, Fahri, Jasser et Rabi' Barghouti.

Les trois premiers hommes font partie des 477 prisonniers palestiniens dont la libératoon a débuté la nuit dernière, dans la première phase de l'échange de 1027 détenus contre la libération du soldat israélien Gilad Shalit, détenu par le Hamas dans la bande de Gaza depuis plus de cinq ans. Le quatrième n'apparaît pas sur la liste publiée par le gouvernement israélien dimanche, mais ses proches sont convaincus qu'il sera aussi relâché.

Condamnés pour meurtre

Mohammed Asfour Barghouti, frère de Fahri et cousin de Na'il, tentait de contenir sa joie hier, assis dans le champ d'oliviers où il travaille, comme plusieurs habitants du village. «Je suis tellement content, mais j'ai peur aussi, a dit l'homme de 53 ans. Je ne vais pas le croire tant que je ne les verrai pas ici, à Kobar.»

Parmi les 477 prisonniers, ils détiennent le record de temps passé derrière les barreaux. Ils ont été condamnés à la prison à perpétuité en 1978 pour le meurtre d'un Israélien dans une colonie voisine, explique l'homme en pointant une colline non loin de celle où se trouve Kobar. Malgré la sentence, leurs proches ont cru à plusieurs reprises qu'ils seraient libérés dans le cadre d'ententes similaires.

Des restrictions ont été imposées à certains des prisonniers. Jasser Barghouti, cousin de Fahri et Na'il Barghouti, ne pourra pas remettre les pieds au village. Comme 164 résidants de Cisjordanie ou de Jérusalem-Est, l'homme de 39 ans sera envoyé dans la bande de Gaza.

Zahi Barghouti ne pourra pas revoir son frère, puisque les deux territoires sont coupés. La nouvelle de sa libération, alors qu'il a été condamné à neuf peines de prison à vie en 2003, l'a surpris. «Tout le monde savait que Na'il et Fahri feraient partie de n'importe quelle entente, dit le commerçant à la barbe brune. Mais pas Jasser.»

Jasser Barghouti était membre des Brigades Izz al-Din Al-Qassam, bras armé du Hamas, qui contrôle la bande de Gaza. Sa famille ne cache pas son appartenance au groupe islamiste, considéré comme une organisation terroriste par plusieurs pays occidentaux: les drapeaux verts du mouvement flottent sur le toit de la maison de Zahi Barghouti. Mais ce dernier dit qu'il ignorait que son frère avait rejoint la branche armée à l'époque.

Ceci dit, plusieurs Palestiniens ont dénoncé la politique derrière la libération des prisonniers: un grand nombre d'entre eux sont proches du Hamas, grand rival du Fatah, à la tête de la Cisjordanie.

Le leader palestinien Marwan Barghouti, considéré comme le chef des Brigades des martyrs d'Al-Aqsa, groupe armé proche du Fatah durant la deuxième intifada, n'est pas sur la liste. Lointain parent des autres hommes libérés de Kobar, il est lui aussi natif du village.

Pour les familles israéliennes des victimes, la nouvelle de la libération de plusieurs prisonniers condamnés à perpétuité -et, dans certains cas, à plusieurs peines de prison à vie- a choqué. Malgré le soutien populaire au soldat Gilad Shalit, plusieurs ont dénoncé l'entente.

Des familles de victimes d'actes terroristes ont déposé un recours en Cour suprême pour tenter de retarder l'échange, le temps d'étudier les noms sur la liste. La demande a été rejetée.