Le président afghan Hamid Karzaï va réviser sa stratégie dans ses efforts de négociation avec les talibans, suspendus en raison de l'assassinat récent de Burhanuddin Rabbani, ex-chef de l'État chargé de nouer des contacts avec les insurgés après dix ans de guerre.

Peu après cette annonce dimanche, la présidence a assuré que le kamikaze ayant tué M. Rabbani était un Pakistanais, et que l'attentat avait été planifié dans le sud-ouest du Pakistan, où se cacherait le commandement suprême des talibans.

M. Karzaï, encouragé par la communauté internationale, tente depuis plusieurs années de persuader ces insurgés islamistes de négocier, leur offrant même des responsabilités gouvernementales s'ils déposent les armes. Mais les leaders talibans, dont la guérilla gagne du terrain depuis 2007, n'ont jamais répondu favorablement à ce jour en dehors de quelques contacts préliminaires.

«Toutes les discussions de paix avec les talibans sont suspendues, le président va réviser la stratégie de paix et de réconciliation», a déclaré dimanche à l'AFP Siamak Herawi, porte-parole de la présidence.

Le chef de l'État annoncera sa nouvelle stratégie «très prochainement», selon lui.

Cette décision a été prise après l'assassinat, le 20 septembre, de l'ancien chef de l'État Burhanuddin Rabbani, président du Haut conseil pour la paix chargé par M. Karzaï de nouer des contacts avec les insurgés. Il a été tué par l'explosion de la bombe cachée dans le turban d'un homme qui se présentait comme un négociateur du conseil suprême des talibans du mollah Omar.

Les talibans, toujours prompts à revendiquer les attaques audacieuses qui se multiplient dans Kaboul, n'ont pas souhaité commenter celle-là pour l'heure.

«Le mollah Omar n'a pas d'adresse... Leur émissaire de paix était finalement un tueur, alors avec qui devrions nous parler ?», s'était déjà interrogé vendredi M. Karzaï lors d'une réunion avec des dignitaires religieux à Kaboul.

«La Nation afghane me demande avec quelle autre partie je négocie ? Je leur réponds: le Pakistan», avait-il alors déclaré.

L'Afghanistan accuse régulièrement son grand voisin d'abriter le Conseil suprême des talibans, ce que les Afghans et les médias internationaux appellent la «Choura de Quetta» (le Conseil de Quetta). Quetta est la grande ville du sud-ouest pakistanais dans les environs de laquelle se cacherait le mollah Omar et ses principaux lieutenants.

Selon le rapport d'une commission d'enquêteurs, «des documents et des preuves saisies, mais aussi les aveux d'un complice arrêté montrent que l'assassinat de M. Rabbani a été planifié à Quetta et que l'assassin était un citoyen du Pakistan», a annoncé dimanche la présidence afghane.

Selon ce texte, le kamikaze vivait dans la ville pakistanaise de Chaman, sur la frontière.

Ces affirmations n'impliquent pas nécessairement que Kaboul considère des institutions pakistanaises à l'origine de l'attentat, le commandement taliban afghan se terrant dans les environs de Quetta et les talibans pakistanais étant très proches de leurs homologues afghans.

«Les preuves et documents saisis, ainsi que des éléments d'identification, les adresses et les numéros de téléphone de suspects impliqués dans l'attentat ont été remis au gouvernement du Pakistan afin qu'il les fasse arrêter, selon les services de M. Karzaï.

«La seule solution, ce que tout le monde réclame aussi, c'est que des pourparlers se tiennent avec les Pakistanais, car tous les sanctuaires et les refuges de l'opposition sont situés dans ce pays», avait commenté vendredi M. Karzaï.

Dans cinq jours, le 7 octobre marquera le dixième anniversaire de l'invasion de l'Afghanistan par la coalition militaire emmenée par Washington alors que les perspectives de paix s'éloignent selon les experts quasi unanimes. Alors que les États-Unis et l'OTAN ont entamé le processus de retrait de leurs troupes combattantes, les talibans ont intensifié leur insurrection et étendu leurs actions de guérilla à la quasi-totalité du pays ces dernières années, jusqu'au coeur de Kaboul, une capitale pourtant truffée de barrages et de forces de sécurité.