Le président iranien a été attaqué par ses opposants conservateurs pour avoir évoqué un possible dialogue entre l'Iran et les États-Unis, un sujet toujours sensible au sein du régime iranien qui présente Washington comme le «Grand Satan» depuis la révolution islamique de 1979.

Plusieurs députés et médias conservateurs ont critiqué samedi le président Mahmoud Ahmadinejad pour avoir plusieurs fois évoqué une reprise de relations entre Téhéran et Washington dans ses déclarations et interviews à l'occasion de sa visite à New York pour l'Assemblée générale des Nations unies.

«Nous estimons que l'absence de relations est au désavantage des deux pays», a notamment déclaré M. Ahmadinejad, qui a aussi affirmé ne voir «aucune raison pour qu'il y ait des tensions» entre l'Iran et les États-Unis.

Le président iranien a pris soin de réaffirmer la position habituelle de Téhéran selon laquelle toute reprise éventuelle du dialogue reste subordonnée à un «changement d'attitude» de Washington à l'égard de l'Iran et à un «respect mutuel», mais cela n'a pas suffi à désarmer les critiques.

«Le fait que le président ait souligné son envie d'une reprise des relations, et en particulier le fait que l'absence de relations est désavantageux pour les deux pays, n'est pas approprié», a réagi Ali Motahari, un influent député ultraconservateur.

«L'approche de certains est contraire aux intérêts du régime», a commenté  pour sa part Ahmad Tavakoli, autre député conservateur influent, et adversaire virulent, comme M. Motahari, du président Ahmadinejad jugé trop modéré politiquement et trop conciliant à l'égard des Occidentaux.

Plusieurs autres responsables ou médias conservateurs ont également critiqué le président, affirmant que la décision d'une reprise éventuelle de discussions ou de relations avec les États-Unis revenait au guide suprême, l'ayatollah Ali Khamenei, et non à M. Ahmadinejad.

Ces critiques interviennent alors que le président iranien et son entourage sont depuis plusieurs mois sous le feu d'une violente campagne de la ligne dure du camp conservateur au pouvoir en Iran pour avoir osé contester publiquement en avril une décision du guide suprême.

L'ayatollah Khamenei s'était opposé au limogeage du ministre du Renseignement, l'un de ses proches qui détient un poste clef pour le contrôle des prochaines élections législatives de mars 2012 lors desquelles les partisans du président ont affirmé vouloir présenter leurs propres candidats.

Mais les critiques contre M. Ahmadinejad illustrent aussi la sensibilité du sujet des relations entre l'Iran et les États-Unis, toujours officiellement considérés par le régime islamique comme le «Grand Satan» source de tous les maux dans le monde.

Cette question est une pomme de discorde au sein du pouvoir iranien depuis la rupture des relations entre les deux pays provoquée par la prise d'otages de l'ambassade américaine à Téhéran en novembre 1980.

«Tous les présidents iraniens ont cherché à un moment ou à un autre à faire des ouvertures vers les États-Unis, mais se sont à chaque fois trouvés en conflit avec les «durs» se réclamant de l'ayatollah Khomeiny (le fondateur du régime) puis de son successeur, l'ayatollah Khamenei, qui ont bloqué toute évolution», note un diplomate européen à Téhéran.

Ce conflit récurrent a été illustré par le bras de fer que se sont livrés, la semaine dernière, le gouvernement du président Ahmadinejad et l'autorité judiciaire, dominée par les ultraconservateurs se réclamant du guide, autour de la libération de deux randonneurs américains arrêtés à l'été 2009.

Les deux Américains ont fini par être libérés mercredi malgré les résistances et manoeuvres de retardement de la justice, mais M. Tavakoli l'a vivement reproché samedi à M. Ahmadinejad, accusé d'avoir «voulu montrer qu'il est le héros de la politique étrangère du pays même si cela est contraire à l'intérêt national».