L'ancien président afghan devenu négociateur de paix Burhanuddin Rabbani a été enterré vendredi à Kaboul, trois jours après son assassinat, lors de funérailles nationales chaotiques révélatrices des tensions suscitées par les projets de négociations avec les rebelles talibans.

Les prières et allocutions officielles ont été prononcées dans la citadelle fortifiée du palais présidentiel, dans la «zone diplomatique» de la capitale, de plus en plus frappée par les attaques rebelles et transformée pour l'occasion en camp retranché protégé par des milliers de soldats et policiers.

Dans une brève allocution, le président Hamid Karzaï y a assuré que «le sang versé par le martyr» Rabbani était une motivation supplémentaire pour que son gouvernement poursuive ses efforts visant à restaurer la paix dans le pays.

Mais ces funérailles ont surtout été marquées par les critiques d'une partie des partisans de M. Rabbani contre le gouvernement et ses partenaires étrangers, largement représentés lors de la cérémonie.

«Mort à l'Amérique! Mort au Pakistan! Mort à Karzaï!», ont crié certains manifestants en jetant des pierres sur les véhicules gouvernementaux, avant d'être dispersés par des tirs de sommation.

Ancien héros de la résistance aux Soviétiques dans les années 1980, puis président du pays entre 1992 et 1996 pendant la terrible guerre civile qui a en partie détruit Kaboul, M. Rabbani, 71 ans, était un leader tadjik du Nord afghan, ennemi historique des talibans, issus eux des tribus pachtounes du sud.

C'est pourtant lui que le président Karzaï -un Pachtoune du sud porté au pouvoir par les États-Unis après l'invasion de la fin 2001- avait désigné l'an dernier à la tête du nouveau Haut conseil pour la paix (HPC), chargé d'établir des contacts avec les talibans pour mettre fin à la guerre.

Il a été tué mardi chez lui à Kaboul par un kamikaze qui s'était présenté à lui comme un émissaire taliban.

En accompagnant son cercueil, ses partisans ont laissé éclater leur colère contre M. Karzaï et ses alliés occidentaux, dont ils dénoncent les tentatives de dialogue avec les talibans, et le Pakistan, accusé de soutenir les rebelles.

«Nous avons perdu un grand leader, et nous voulons qu'il soit vengé», a déclaré à l'AFP l'un d'eux, Enayatullah, un étudiant, en soupçonnant un complot des autorités afghanes.

L'ancien chef des services de renseignement Amrullah Saleh, lui aussi un Tadjik du nord, a appelé les partisans de M. Rabbani à manifester leur colère.

«Ce gouvernement n'assume pas la responsabilité du sang versé par les nôtres», a-t-il dénoncé, ajoutant: «Il n'a plus le droit de parler avec l'ennemi» taliban, et, de toute façon, «rien ne sortira de ces discussions».

M. Rabbani est la plus haute personnalité politique afghane assassinée depuis l'intervention des Occidentaux en Afghanistan à la fin 2001.

Après l'attentat de mardi, la police a accusé les rebelles talibans, qui ont assassiné récemment plusieurs importantes personnalités liées au gouvernement, mais se sont gardés de revendiquer ce meurtre.

L'assassinat de l'ancien président risque de compliquer encore plus la mise en place du processus de paix souhaité par M. Karzaï, toujours officiellement refusé par les talibans malgré les appels du pied de responsables occidentaux.

Par ailleurs, dans le sud, un bastion des talibans, sept civils ont été tués vendredi par l'explosion d'une bombe au passage de leur véhicule, selon la police.

La rébellion a gagné du terrain ces dernières années malgré l'envoi régulier de renforts occidentaux. L'OTAN prévoit toutefois de retirer d'ici la fin 2014 ses troupes de combat qui portent à bout de bras le gouvernement, et de confier la sécurité du pays aux fragiles forces afghanes.

Cette perspective fait craindre à certains observateurs une future guerre civile, notamment entre les groupes armés tadjiks du nord et pachtounes du sud.