L'ancien président afghan Burhanuddin Rabbani, chargé par le gouvernement de négocier la paix avec les talibans, a été tué par un faux émissaire taliban, un kamikaze qui avait dissimulé une bombe dans son turban, a indiqué mardi la police afghane.

L'attentat a eu lieu dans la rue où réside M. Rabbani, située dans un quartier cossu qui abrite de nombreuses ambassades et où des kamikazes talibans avaient mené une série d'attaques meurtrières mercredi dernier.

M. Rabbani, un leader historique de la résistance à l'invasion soviétique dans les années 1980, présidait le Haut conseil pour la paix (HCP), créé en octobre 2010 par le président Hamid Karzaï pour établir des contacts avec les insurgés en vue de mettre fin à la guerre.

Les rebelles, qui ont gagné du terrain ces dernières années en dépit des renforts occidentaux, sont jusqu'ici restés sourds aux appels de paix de M. Karzaï, rejetant tout dialogue avec lui tant que les quelque 130 000 soldats étrangers qui le soutiennent n'auront pas quitté le pays.

Des responsables occidentaux ont toutefois affirmé que des discussions préliminaires en vue de négociations de paix avaient eu lieu ces derniers mois avec des émissaires talibans.

Karzaï écourte son séjour aux États-Unis

Le chef de l'État afghan Hamid Karzaï a décidé d'écourter son séjour aux États unis à l'annonce de l'assassinat mardi en plein coeur de Kaboul de l'ancien président Rabbani.

Mais un responsable du gouvernement a assuré, sous couvert de l'anonymat, qu'il devait toujours rencontrer comme prévu le président Barack Obama avant de quitter le sol américain.

Rabbani, le président qui n'a jamais eu le pouvoir

Chassé du pouvoir par les talibans, M. Rabbani a été le dernier chef de l'État reconnu par les Nations Unies avant la prise de pouvoir des talibans à Kaboul en 1996.

Le 22 décembre 2001, après le bombardement puis l'invasion de l'Afghanistan par une force militaire emmenée par les États-Unis après les attentats du 11-Septembre, il avait été contraint d'abandonner la présidence et de remettre le pouvoir au chef de l'État désigné par la coalition internationale, le Pachtoune Hamid Karzaï, toujours en place dix ans après.

Élu en 1992 à la chute du régime pro-Soviétique trois ans après le retrait de l'Armée rouge, Rabbani n'a en fait jamais vraiment détenu de pouvoir.

Son appartenance à l'ethnie tadjike, dans un pays dominé par les Pachtounes, en était l'une des raisons.

Mais dans ce pays à tradition guerrière, Rabbani avait également été éclipsé par les chefs de guerre, au premier rang desquels son ancien ministre de la Défense, le Tadjik Ahmed Shah Massoud, le «Lion du Panchir», héros de la résistance anti-Soviétiques puis anti-talibans, assassiné deux jours avant les attentats du 11-Septembre.

Né en 1940 à Faizabad, dans la province du Badakhshan (nord-est), Rabbani a quitté les flancs des montagnes himalayennes de l'Hindou Kouch pour une carrière académique.

Après avoir étudié à Kaboul puis à la prestigieuse Université Al-Azhar du Caire, il prend la direction d'un mouvement universitaire modérément islamiste et anti-communiste dans les années 60 et 70.

En 1971 il prend la direction du Jamiat-i-Islami (Société islamique), mais les communistes le contraignent à l'exil au Pakistan.

Après l'invasion soviétique en 1979, son parti joue un rôle central dans le djihad (guerre sainte) contre l'Armée rouge, mais Rabbani est vite dépassé par ses deux chefs de guerre Ahmed Shah Massoud dans la vallée du Panchir au nord de Kaboul, et Ismaïl Khan, basé aux environs de Herat (ouest).

À l'effondrement du régime mis en place par l'Union soviétique, en 1992, Rabbani revient à Kaboul et prend la présidence au mois de juin.

Kaboul assiégée est ensuite sous le feu de divers chefs de guerre et le pouvoir de Rabbani n'est qu'une chimère. Des milliers de civils sont tués.

Rabbani est chassé du pouvoir en 1996 par les talibans, les «étudiants en théologie» qui ramènent la sécurité dans une capitale meurtrie par des années d'affrontements.

Mais leur stricte interprétation de la loi islamique et l'hospitalité accordée à Oussama ben Laden leur vaudront de ne pas être reconnus par les Nations Unies.

Dès le 12 novembre 2001 et le départ de Kaboul des talibans, Rabbani était revenu, comme si de rien n'était dans la capitale, y donnant maintes conférences de presse et se posant en seul président du pays. Mais poussé par la jeune garde comme par la communauté internationale, il a finalement accepté de remettre le pouvoir à Hamid Karzaï, le 22 décembre.

Depuis, membre du Parlement afghan, il demeurait à Kaboul où son clan prospérait dans les affaires.

Le 10 octobre 2010, il avait été proposé par Hamid Karzaï et élu président du nouveau Haut conseil pour la paix, chargé d'établir des contacts avec les insurgés, notamment talibans, et de trouver des solutions pour mettre fin à la guerre.