Adel Abou Debaa a passé quatre ans à tourner en rond chez lui, pendant que sa femme faisait vivre sa famille en vendant des broderies traditionnelles.

Quand Israël a imposé son blocus contre la bande de Gaza, après l'élection du Hamas, il y a cinq ans, le carnet de commandes de cet entrepreneur en construction est devenu désespérément vide.

L'an dernier, Israël a allégé l'état de siège. Et le fabricant de pièces d'acier ne suffit plus à la tâche. Ce qui l'occupe, ces jours-ci, c'est un projet de 151 appartements en cours de construction près de Rafah, dans le sud de la bande de Gaza. Après, il y aura une école. «Je n'ai plus le temps de me reposer», dit Adel Abou Debaa, qui ne s'en plaint pas, bien au contraire.

L'économie bouge dans la bande de Gaza. Mais on est loin de la frénésie de Ramallah. Il faut savoir que les seuls matériaux de construction autorisés par Israël sont destinés à des projets financés par des organisations humanitaires. Comme ces 151 unités construites par l'UNRWA, l'organisation qui dessert les réfugiés palestiniens.

Contrebande

Les constructeurs privés doivent se rabattre sur le ciment de contrebande, qui transite par les tunnels à partir de l'Égypte et enrichit les coffres du Hamas. Idem pour les pesticides et les fertilisants, qui peuvent servir à fabriquer des explosifs.

Iyad Abou Ase dirige une plantation de choux à Rafah. Il achète ses fertilisants et pesticides au marché noir, mais ils sont de mauvaise qualité. Ses choux sont petits et malades. Son entreprise bat de l'aile.

Il y a bien, çà et là, quelques signes de reprise. Un minicentre commercial appelé Gaza Mall a vu le jour dans le quartier de Rimel, à Gaza. Quelques nouveaux hôtels sont apparus au bord de la Méditerranée. Dont le spectaculaire Arcmed, un cinq étoiles dont la piscine se confond avec le bleu de la mer. Mais des 225 chambres de l'hôtel, à peine 6 étaient occupées le jour de notre passage...

Non, les Gazaouis ne crèvent pas de faim et oui, il y a parmi eux quelques riches bourgeois. Mais la plupart des gens sont en mode survie. Ils se battent contre les coupures d'électricité et les pénuries d'eau. Et le taux de chômage est très élevé, surtout chez les jeunes: 40%.

«J'ai payé l'université de mes six enfants, et ils ne trouvent pas de travail», se plaint un père de famille de Rafah.

Depuis le printemps arabe, le Hamas, qui contrôle la bande de Gaza, a de la peine à boucler son budget. L'argent syrien n'afflue plus comme avant. Et le gouvernement islamiste n'a pas payé ses employés depuis deux mois.

La bande de Gaza est branchée sur l'aide internationale. Et toutes ses exportations sont bloquées par l'Égypte et Israël. «Cette économie n'est pas viable», tranche Scott Anderson, responsable du bureau de l'UNRWA à Gaza.

Dans ce contexte fragile, la demande de reconnaissance de l'État palestinien inspire des craintes. «Ils demandent un État, inch'Allah! dit Adel Abou Debaa. Mais alors, nous n'aurons plus d'aide internationale. Nous devrons compter sur nous-mêmes...»