Au lendemain d'une mobilisation «historique», avec plus de 400 000 manifestants dans les rues, le mouvement de protestation sociale en Israël est en quête d'une stratégie, dans l'attente de la réponse du gouvernement Nétanyahou.

Les analystes s'interrogeaient dimanche sur l'avenir de cette vague de contestation sans précédent --«révolution ou évolution?»-- après «la plus grande manifestation» de l'histoire de l'État d'Israël.

«Un jour, les étudiants élèves apprendront qu'en cette soirée capitale, une société civile est née en Israël», s'est réjoui l'éditorialiste de gauche Gidéon Lévy dans le quotidien Haaretz.

Plus de 400 000 Israéliens ont défilé samedi soir dans le centre de Tel-Aviv et dans une quinzaine de villes du pays pour «la justice sociale» et contre le coût de la vie, un record depuis le début mi-juillet du mouvement social, selon les médias.

Pour la presse, en général favorable au mouvement, la taille des rassemblements de samedi prouve que la mobilisation ne faiblit pas, et maintient la pression sur le premier ministre libéral conservateur Benyamin Nétanyahou.

M. Nétanyahou a annoncé dimanche que la commission qu'il a chargée de proposer un programme de réformes présenterait ses recommandations d'ici deux semaines.

«Le gouvernement que je dirige s'est engagé à conduire de vrais changements pour alléger le coût de la vie et réduire les inégalités sociales», a répété le premier ministre.

Devant l'ampleur de la contestation, «Bibi» Nétanyahou a promis de remiser son credo libéral pour répondre à la grogne sociale, tout en rappelant les «contraintes» imposées par la crise économique mondiale, suscitant l'incrédulité des contestataires.

«Le mouvement de protestation sociale est un succès phénoménal. Il a bouleversé le calendrier des priorités et montré au gouvernement que l'opinion publique n'avait pas l'intention de tout laisser tomber», a estimé le commentateur économique Néhémia Shtrasler.

Mais ce dernier a souligné que les organisateurs --à l'origine des jeunes professionnels et des étudiants des classes moyennes-- étaient à la croisée des chemins, obligés de choisir entre des revendications radicales ou des réformes économiques plus limitées.

«C'est le dilemme classique entre ceux qui veulent la révolution et ceux qui préfèrent une évolution», a noté M. Shtrasler.

D'ailleurs, des protestataires ont commencé à démonter dimanche les tentes qu'ils avaient érigées à la mi-juillet sur le boulevard Rothschild, haut lieu de la contestation, au coeur de Tel-Aviv.

«Le camping sauvage a atteint son résultat et il est temps de passer à d'autres formes» de contestation, a déclaré à l'AFP une porte-parole de l'Association nationale des étudiants, très impliquée dans le mouvement.

Ses organisateurs sont divisés sur les formes et les objectifs de leur lutte.

Et s'ils ont élaboré un cahier de revendications détaillé et sont d'accord sur la nécessité d'un «changement de cap» dans le domaine social, ils ont laissé dans le flou la question du financement des réformes qu'ils proposent.

Il est encore difficile de savoir «si un noyau de nouveaux leaders, avec le talent et les aptitudes nécessaires, va sortir de ce groupe (à la tête de la contestation) ou si une nouvelle force politique est en train d'émerger qui pulvérisera les coalitions fossilisées d'antan», a relevé Aviad Pohoryles dans le tabloïd Maariv.

Pour la plupart des analystes, la contestation de l'été 2011, qui porte «autant sur les valeurs éthiques que sur l'économie» selon l'éditorialiste vedette Nahum Barnéa, a pourtant d'ores et déjà imprimé une marque indélébile sur la société israélienne.

«Rien de ce qui s'est passé cet été ne sera perdu», a estimé M. Barnéa, selon qui le mouvement traduit un véritable ras-le-bol de toute une partie de la jeunesse et des classes moyennes.