Le Premier ministre israélien s'est dit prêt à infléchir son approche néo-libérale de l'économie pour répondre aux exigences d'une grogne sociale croissante qui réclame notamment des mesures pour éviter la hausse effrénée des prix et réduire les disparités de salaires.

«Je comprends qu'un changement de ma vision est impératif (...) Je vous donnerai les moyens de réaliser ce changement», a déclaré lundi Benjamin Nétanyahou, selon le journal Haaretz.

Il s'adressait, d'après le quotidien, au professeur Manuel Trajtenberg, économiste notoire désigné dimanche par le Premier ministre pour diriger un panel de 14 experts chargé d'envisager des réformes avec les partenaires sociaux et de présenter des recommandations au gouvernement d'ici un mois.

Cette équipe a été mise en place dans le sillage d'un mouvement de contestation sociale déclenché il y a plus de trois semaines et qui s'est encore amplifié samedi quand plus de 300 000 manifestants sont descendus dans la rue pour réclamer la «justice sociale».

«Il faudra modifier sérieusement l'ordre des priorités nationales pour alléger le fardeau pesant sur le peuple», a affirmé au Premier ministre M. Trajtenberg en évoquant «des modifications du système fiscal» pour dégager des ressources.

Toujours selon Haaretz, les deux interlocuteurs sont convenus qu'il faut réaliser des réformes tout en observant les contingences du cadre budgétaire de l'État, établi pour deux exercices fiscaux consécutifs.

Des promesses qui ne semblent pas rassurer les contestataires pour autant.

«Nous n'allons pas nous payer de mots», a déclaré à l'AFP Eyal Basson, porte-parole du «Forum Rothschild», représentant le mouvement de contestation, ainsi baptisé en allusion au boulevard de Tel-Aviv du même nom où s'étire un vaste campement de protestation.

«Nétanyahou peut bien multiplier les promesses, mais nous voulons savoir comment elles deviendront réalité, et nous voulons être assurés qu'il y aura un financement aux réformes envisagées, voire des lois pour les garantir», a-t-il ajouté.

Également interrogée par l'AFP, une représentante du mouvement, Hadas Kushlevitch, s'est dite «sceptique» quant à la sincérité de M. Nétanyahou, estimant que «le nombre énorme d'experts impliqués dans l'équipe Trajtenberg fait douter qu'il puisse parvenir à des mesures concrètes».

Fervent avocat des privatisations, du néo-libéralisme et des lois du marché, le Premier ministre s'est jusqu'ici volontiers vanté de l'enviable bulletin de santé de l'économie israélienne obtenu grâce à ses méthodes. Mais il a ignoré ou occulté les graves disparités sociales ainsi créées, de même que les augmentations constantes du coût de la vie qui ont fini par écraser les classes moyennes, véritable épine dorsale du pays.

Très prudent, M. Nétanyahou a d'emblée signifié qu'«on ne peut satisfaire à toutes les demandes». Et, dans la même veine, le ministre des Infrastructures nationales Ouzi Landau a mis en garde mardi à la radio contre «le tsunami économique mondial qui risque de déferler sur Israël».

Selon les estimations des médias, les recommandations de l'équipe Trajtenberg ne devraient pas être soumises au gouvernement avant la rentrée parlementaire, le 31 octobre. Dans l'intervalle, aucune motion de censure ne peut menacer le gouvernement.

Selon son porte-parole, le «Forum Rothschild» prépare de son côté un manifeste résumant les revendications du mouvement de protestation.

Il réclame pêle-mêle «la réduction des disparités sociales, la garantie des besoins fondamentaux du citoyen, des conditions équitables d'emploi», ou encore «le contrôle des prix des produits de base, le soutien aux plus défavorisés, ainsi que des investissements publics accrus pour la santé, l'éducation, les transports publics».