Pour contrer le Soudan du Nord, perçu comme un régime islamiste, Israël a cultivé ses relations avec le Soudan du Sud, chrétien et animiste. Quand le Soudan du Sud a célébré son indépendance le 9 juillet, Israël a rapidement offert sa collaboration au nouveau gouvernement. Pour les nombreux réfugiés sud-soudanais en Israël, il s'agit d'une bonne nouvelle. Mais plusieurs appréhendent un retour trop rapide dans leur ancienne contrée.

Sunday Dieng a passé la majorité de sa vie en exil. Le jeune homme de 28 ans est né à Nasir, au Soudan. Enfant, il s'est réfugié en Éthiopie après la mort de ses parents, tués dans la guerre qui a déchiré le pays pendant 22 ans. En 2006, il a traversé le désert du Sinaï pour gagner Israël, de nuit, aidé par des passeurs bédouins.

Aujourd'hui, il vit dans le sud de Tel-Aviv, où plusieurs réfugiés de la Corne de l'Afrique se sont établis. Avec ses pairs, il a célébré l'indépendance du Soudan du Sud, proclamée le 9 juillet. La meilleure nouvelle depuis longtemps, soupire le jeune homme.

Quelque 8000 Soudanais vivraient en Israël. Environ 2000 d'entre eux seraient originaires du Sud.

Israël a reconnu rapidement l'indépendance du 54e État africain. Le ministre de l'Intérieur israélien a tout de suite appelé au début des négociations pour le rapatriement des Soudanais du Sud.

La déclaration a été mal accueillie par les groupes de défense des réfugiés, qui croient que la situation du nouvel État devrait d'abord être évaluée et que chaque cas devrait être traité séparément.

Si les Soudanais du Sud se réjouissent de la création du pays, plusieurs appréhendent ce qui les attend au retour. «Il y a beaucoup de gens qui n'ont pas d'endroit où retourner. Ça prend du temps pour bâtir un pays. Quand tout sera prêt et que la sécurité sera assurée, alors, d'accord, nous serons capables d'y retourner. Mais pas avant», dit Sunday Dieng.

Le jeune État fait face à bien des défis: rivalités tribales, normalisation des relations avec le voisin du Nord, répartition des ressources pétrolières, accès à l'eau.

Travail au noir

En attendant le retour, Sunday Dieng travaille comme plongeur dans un café. Au noir.

Il n'a ni visa ni permis de travail - comme plusieurs réfugiés et demandeurs d'asile. Ceux qui acceptent de les employer risquent une amende salée. Plus de 35 000 migrants de la Corne de l'Afrique ont franchi clandestinement la frontière israélo-égyptienne au cours des cinq dernières années. La majorité d'entre eux sont originaires du Soudan et de l'Érythrée, considérés comme trop dangereux pour y renvoyer des gens contre leur gré.

L'an dernier, le nombre d'entrées clandestines a plus que doublé par rapport à l'année précédente. En novembre, le gouvernement a annoncé la mise sur pied d'une barrière de sécurité de 250 km le long de la frontière, aussi destinée à empêcher le trafic de drogue et d'armes.

La décision a été applaudie par certains groupes, qui perçoivent les demandeurs d'asile comme des «infiltrés». D'autres dénoncent le manque de soutien apporté à des gens qui fuient les persécutions - dressant un parallèle avec l'histoire du peuple juif.

Mais déjà, la traversée reste difficile. L'organisme Physicians for Human Rights a sonné l'alarme au début de l'année et fait état de nombreux abus dans le Sinaï - demandes de rançon, viols, tortures, privations de nourriture. Plus de 39 personnes ont été tuées à la frontière depuis l'année dernière, la plupart par des policiers égyptiens.

«Le voyage dans le Sinaï, c'était comme un voyage entre la vie et la mort», dit Simon Manis, originaire de Juba, capitale du Soudan du Sud. «Les Égyptiens ont tiré sur nous à la frontière. Ce n'était pas facile, beaucoup de gens ont été arrêtés et certains ne savent même pas où sont les autres membres de leur famille.»

L'homme de 31 ans espère maintenant rentrer au pays. Son plus grand espoir? Continuer ses études de géologie.