La marine et la garde-côtière de Grèce ont arraisonné et abordé, lundi soir, le navire canadien Tahrir qui venait de quitter ses côtes, et l'auraient rendu inutilisable, selon des militants, qui demandent au gouvernement Harper d'intervenir.

Le Tahrir faisait partie d'un convoi qui devait emmener de l'aide humanitaire, principalement des médicaments, aux Palestiniens de la bande de Gaza, territoire isolé par un blocus d'Israël.

Stephan Corriveau, un membre du comité de direction du Tahrir rejoint par La Presse Canadienne au moment même de l'abordage, a raconté que les militaires grecs ont utilisé la force pour prendre le contrôle du navire et le forcer à faire demi-tour en direction de la Grèce.

«Ils sont en train de brutaliser certaines personnes», a-t-il soutenu en direct par téléphone. «Ils bousculent vraiment avec beaucoup de force des gens qui se tiennent bras dessus bras dessous. Ils donnent des coups aux gens. Ils dégagent le poste de pilotage pour en prendre le contrôle.»

M. Corriveau a déploré la nature de l'intervention et le manque de discernement des militaires. «Il y a plein de gens de 60, 70 ans à bord, plusieurs grands-mères, des gens de tous âges et de toutes conditions. Ces soldats agissent de manière absolument dégueulasse. Il n'y a pas d'autres mots: c'est brutal.»

L'intervention ne se serait pas arrêtée là: des sympathisants affirment qu'en ramenant le navire sur la côte, la garde-côtière l'a envoyé percuter un quai de ciment, le rendant inapte à reprendre le large.

Si la garde-côtière grecque a endommagé le bateau en agissant de la sorte, l'embarcation ne semblait toutefois pas sur le point de sombrer. Le Tahrir était toujours confiné dans le port tard lundi, après cette tentative infructueuse de se rendre à Gaza.

Plus tôt en journée, certains militants avaient cru que le bateau pourrait être à risque de couler. «Ils sont revenus à un autre endroit. La Garde côtière les a forcés à aller à un quai différent», avait indiqué à Montréal Ehab Lotayef, un porte-parole pour l'expédition.

«Ils l'ont projeté contre le ciment, sur le côté du quai, a poursuivi M. Lotayef. Au départ, ce n'était pas évident mais il semble probable maintenant que le navire est en train de sombrer. Il prend l'eau et perd du diésel.

«Nous tenons les Grecs responsables de tout cela, cette action totalement injustifiée du gouvernement grec, menée à la suite de l'intimidation d'Israël», s'est indigné Ehab Lotayef. «C'est un recul mais ce n'est pas la fin. Les efforts se poursuivront jusqu'à ce que ce blocus soit levé.»

«Le gouvernement grec a fini par céder aux pressions israéliennes en interdisant - en dépit du droit - à notre bateau de quitter», a renchéri Stephan Corriveau. «Notre bateau est en parfaite conformité avec toutes les lois maritimes. Nous n'avons commis aucun crime.»

Au contraire, selon lui, c'est Athènes qui s'est placée dans l'illégalité. «Le Conseil de sécurité des Nations unies, avec la résolution 1860, dit que le blocus contre la bande de Gaza est illégal et que le blocus israélien devrait être levé et va même plus loin: elle invite la population et les organisations du monde entier à créer de nouveaux canaux d'approvisionnement pour la population de Gaza. Le gouvernement grec contrevient à cet ordre.»

M. Corriveau estime que le gouvernement Harper ne peut demeurer les bras croisés devant une telle action militaire contre des civils canadiens.

«C'est un véritable défi au gouvernement canadien qui doit décider s'il a l'intention de défendre les droits et les intérêts des citoyens canadiens qui ne posent aucun geste illégal, qui ont été tout à fait non violents», a-t-il conclu.

L'appel risque de demeurer lettre morte: le gouvernement Harper avait critiqué dès le départ la mise sur pied de cette mission.

«Notre position n'a pas changé depuis que le ministre (John) Baird a émis une déclaration le 28 mai», a indiqué Chris Day, porte-parole du ministre des Affaires étrangères. «Nous offrirons l'aide consulaire au besoin.»

Le ministre Baird avait fortement suggéré à ceux qui veulent livrer de l'aide humanitaire à Gaza de le faire par les voies habituelles, soit par le biais de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge.

«Les tentatives non autorisées de livrer une aide sont provocatrices et, ultimement, nuisibles à la population de Gaza», écrivait au mois de mai M. Baird dans un communiqué. «Le Canada reconnaît les préoccupations légitimes d'Israël en matière de sécurité et son droit de se protéger des attaques du Hamas et d'autres groupes terroristes, ce qui inclut la prévention en matière de contrebande d'armement.»

Les autorités grecques refusaient d'autoriser le départ des navires d'un convoi humanitaire vers la bande de Gaza.

Le convoi humanitaire, qui regroupe une dizaine de navires, avait tenté d'obtenir de la Grèce la permission d'appareiller vers une autre destination plutôt que de se rendre directement à Gaza.

«Nous étions prêts à prendre un autre chemin vers une autre destination pour éviter d'embarrasser la Grèce face à Israël et lui éviter des pressions du gouvernement israélien, a expliqué Stephan Corriveau. Ç'aurait été une manière tout à fait élégante pour le gouvernement grec de ne pas rompre son engagement vis-à-vis Israël.»

Devant le refus, les navires ont donc finalement décidé d'appareiller.

Le Tahrir n'avait toutefois pas atteint les eaux internationales lundi lorsqu'il a été rejoint par les militaires grecs.