Le chef du Hezbollah libanais Hassan Nasrallah a créé la surprise vendredi en annonçant que son puissant mouvement avait été infiltré par les renseignements américains, pour la première fois dans l'histoire du parti chiite.

Fait rare, l'ambassade américaine au Liban a immédiatement réagi aux propos de celui que les États-Unis considèrent comme leur bête noire, qualifiant ses accusations de «creuses» et «sans fondement».

Classé sur la liste américaine des organisations terroristes et ennemi d'Israël, le parti armé créé en 1982 pour lutter contre l'État hébreu s'est toujours targué de sa structure verrouillée.

Mais vendredi soir, Hassan Nasrallah a déclaré qu'au moins deux des membres du parti avaient collaboré avec les renseignements américains.

«À la suite d'une enquête (...), le dispositif de sécurité du Hezbollah a découvert deux cas liés à la CIA», a-t-il affirmé lors d'une intervention diffusée sur la chaîne du parti, Al Manar.

«Le premier (agent) a été recruté par la CIA récemment, il y a cinq mois (...) il a avoué cela durant l'enquête (...) le deuxième, recruté avant cette période-là, a avoué aussi», a-t-il précisé.

Son discours intervient après des informations qui ont circulé dans la presse concernant une infiltration du mouvement par des «agents israéliens».

Le chef du Hezbollah a indiqué l'existence d'un troisième agent qui a avoué être lié à «une partie étrangère» et qu'il reste à déterminer s'il s'agit de la CIA, «des renseignements européens ou israéliens». Il a refusé de révéler l'identité des trois agents présumés.

Selon lui, les deux premiers «espions» ont été recrutés par deux officiers de renseignements travaillant à l'ambassade américaine au Liban.

«Nous avons maintenant la preuve qu'elle (l'ambassade) est un nid d'espions et que certains diplomates américains sont des officiers de renseignements qui recrutent (des agents) et infiltre la société libanaise et les forces politiques».

Un porte-parole de l'ambassade des États-Unis, qui réagit rarement de manière aussi directe et rapide à des propos du chef du parti chiite, a affirmé à l'AFP que ces accusations étaient «sans fondement».

«Il semble que Nasrallah fait face à des problèmes internes au sein du Hezbollah avec lesquels nous n'avons rien à voir», a-t-il dit sous couvert de l'anonymat.

Se voulant rassurant à l'égard de ses sympathisants, Nasrallah a indiqué «qu'aucun de ceux-là n'ont passé des informations sensibles susceptibles de porter préjudice à la structure de la résistance».

Il a également nié que ces agents présumés aient une quelconque relation avec l'assassinat en 2008 à Damas d'Imad Moughniyeh, homme clé des opérations militaires du Hezbollah et de l'action secrète du mouvement.

«Israël a été incapable de s'infiltrer dans la structure du Hezbollah, il a alors demandé l'aide des renseignements les plus puissants au monde, la CIA», a-t-il expliqué. «La CIA est au service d'Israël au Liban, elle rassemble des informations pour les Israéliens».

En 2006, après l'enlèvement par le Hezbollah de deux de ses soldats, Israël a déclenché une vaste offensive au Liban qui a fait 1200 morts côté libanais, en majorité des civils, et 160 du côté israélien, surtout des militaires.

«Nous avons été touchés mais nous allons nous remettre et surmonter ce danger, nous allons renforcer notre immunité», a assuré le chef du Hezbollah, qui vit dans un endroit caché et n'a fait que de rares apparitions en public depuis la guerre de 2006.

Depuis 2009, plus de 100 personnes, dont des responsables de la sécurité, ont été arrêtées pour collaboration avec Israël, qui est toujours techniquement en guerre avec le Liban.