L'armée syrienne a étendu lundi au nord-est du pays sa vaste opération destinée à mater la contestation, envoyant ses chars près de l'Irak et traquant dans l'ouest les «groupes terroristes armés» accusés d'être responsables des violences par Damas.

Le ratissage mené depuis plusieurs jours a entraîné des divisions dans les rangs des militaires syriens, ont affirmé des réfugiés du nord-ouest du pays arrivés en Turquie, accusant le régime d'avoir créé de toutes pièces les histoires des «groupes armés semant le chaos dans le pays» pour justifier leur répression.

«Quatre chars ont fait défection et ils ont commencé à se tirer les uns sur les autres», a raconté lundi un réfugié, corroborant des témoignages recueillis la veille auprès de personnes fuyant Jisr al-Choughour.

Cette ville de 50 000 habitants a été le théâtre de violents affrontements la semaine dernière, avec en particulier la mort de 120 policiers le 6 juin. Le régime de Bachar al-Assad a accusé des «groupes armés», mais opposants et témoins ont attribué ces décès à une mutinerie au QG de la Sécurité.

Ces apparentes dissensions n'ont toutefois pas dissuadé Damas d'étendre son opération militaire plus à l'est: «quelque 10 chars et 15 à 20 transports de troupes ont été déployés autour de la ville d'Abou Kamal», située à la frontière irakienne, a affirmé lundi à l'AFP un militant des droits de l'homme.

Depuis le 15 mars, plus de 1200 opposants sont morts et 10 000 autres ont été arrêtés en Syrie, selon des ONG.

Face à la détermination de Damas, les quatre membres européens du Conseil de sécurité de l'ONU (France, Grande-Bretagne, Allemagne, Portugal) ont préparé une résolution condamnant les violences en Syrie, disant qu'elles pouvaient être assimilées à des «crimes contre l'humanité». Un texte pourrait être prêt pour un vote mardi, a indiqué un diplomate lundi. Mais la Chine et la Russie y sont opposée.

«Nous ne pouvons pas nous taire devant cette tragédie qui met en péril la stabilité d'une région déjà fragile», a déclaré à un journal brésilien l'ambassadeur de France à l'ONU Gérard Araud, lançant: «l'inaction du Conseil de sécurité n'est pas une option».

Une nouvelle fois, la Maison-Blanche a condamné «avec force» lundi les nouvelles violences qui se sont déroulées en Syrie pendant le week-end.

Interrogé sur l'éventualité d'une action militaire, un porte-parole du Département d'État a répondu: «Nous n'en sommes tout simplement pas encore là».

Entre-temps, un haut responsable de la sécurité, cousin du président Bachar al-Assad, et l'ex-gouverneur de la province de Deraa (sud), où est née la contestation il y a trois mois, ont été interdits de voyage par une commission d'enquête. Honnis par la population, ils avaient été limogés de leurs postes en mars.

Des témoins, réfugiés côté turc, affirment en outre que le régime cible les musulmans sunnites, tout en s'appuyant sur les communautés alaouites. Issue d'une ramification de l'islam chiite, cette confession est minoritaire en Syrie (10% de la population) mais constitue un pilier du régime, Bachar al-Assad, en faisant lui-même partie.

«Le régime est en train d'armer toutes les familles alaouites», a dit Mohamed, 24 ans, croisé sur un chemin de contrebandiers à la frontière.

«Les soldats n'ont pas approché les villages alaouites, ce sont les villages sunnites qu'ils ont attaqués. Les villages sunnites ont été détruits», a ajouté un autre réfugié.

Après avoir annoncé dimanche avoir «pris le contrôle» de Jisr al-Choughour, au terme d'une opération militaire lancée vendredi, les autorités ont indiqué qu'elles «poursuivaient les groupes terroristes armés» dans les fuorêts et les montagnes environnants, dans le gouvernorat d'Idleb.

Un grand nombre des 50 000 habitants de Jisr al-Choughour se sont réfugiés en Turquie, depuis que les violences ont éclaté il y a une semaine. Leur nombre qui ne cesse de croître, s'élevait lundi à près de 7000, à quoi s'ajoutent les 5000 Syriens arrivés au Liban ces dernières semaines, a rappelé l'ONU.

Le premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan avait déclaré que son pays ne fermerait pas ses portes aux Syriens voulant y trouver refuge.

Son triomphe dimanche aux législatives a été salué par les militants syriens pro-démocratie sur la page Facebook «Syrian Revolution 2011», moteur de la contestation.