L'attaque qui a provoqué lundi la mort de cinq militaires américains en Irak s'inscrit dans une campagne armée pour contraindre Bagdad et Washington à ne pas prolonger le mandat des forces américaines, qui s'achève à la fin de l'année, estiment mardi des experts.

À en croire l'armée américaine et une société privée de sécurité opérant en Irak, le pays est depuis quelques mois le théâtre d'un regain d'attentats, même si le niveau de violences demeure bien inférieur à celui des années 2006 et 2007.

Dans ce contexte, de nombreux responsables américains ont récemment exhorté Bagdad à se décider au plus vite sur une éventuelle demande de prolongation de la présence américaine, qui permettrait de répondre à l'impréparation des forces irakiennes.

«Le but de ces attaques est de faire pression sur l'administration américaine, via l'opinion publique américaine, pour qu'elle n'accepte plus la perte de soldats américains», a déclaré Hamid Fazel, professeur de sciences politiques à l'Université de Bagdad.

L'armée américaine a indiqué que ses cinq militaires avaient été tués lundi «dans le centre de l'Irak», sans plus de précision.

Un responsable du ministère irakien de l'Intérieur a affirmé que trois roquettes avaient été tirées à l'aube sur une base de l'est de Bagdad où se trouvaient des soldats américains, mais il n'a pas pu dire si ces tirs étaient à l'origine des cinq décès. Lundi a été la journée la plus meurtrière pour l'armée américaine en Irak depuis mai 2009.

«Cette affaire va doublement accroître la pression sur l'administration américaine pour qu'elle retire ses troupes dans les temps. D'une part, car elle voudra répondre à la pression de son opinion publique, et d'autre part, car elle souhaitera tenir une promesse faite à l'Irak», a déclaré M. Fazel.

L'attaque n'a pas été revendiquée dans l'immédiat.

«Il y a beaucoup de groupes derrière les attaques contre les Américains et à ce stade, on ne peut dire quel est le principal», a déclaré sous couvert de l'anonymat à l'AFP un responsable du contre-terrorisme irakien.

«Mais le but de cette attaque est d'accélérer le retrait américain».

Au total, 4 459 militaires américains sont morts en Irak depuis 2003, selon un bilan de l'AFP se fondant sur le site internet icasualties.org.

Le commandant Angela Funaro, une porte-parole de l'armée américaine, a affirmé à l'AFP que les attaques contre les forces américaines s'étaient multipliées ces deux derniers mois. Elle n'a donné aucun chiffre pour étayer ses dires, mais souligné que le nombre d'attaques demeurait 10 fois inférieur à ce qu'il était au début 2007.

John Drake, un analyste de la société de sécurité AKE Group, a indiqué que les violences étaient globalement orientées à la hausse, avec le mois dernier une moyenne supérieure à 10 attaques par jour contre quatre à cinq en janvier.

Pour Ali al-Saffar, un expert irakien au sein d'Economist Intelligence Unit, basé à Londres, les insurgés pourraient intensifier leurs activités pour donner l'impression qu'ils chassent les forces américaines.

«Si les Américains sont en train de partir et que vous les attaquez, ça peut donner l'impression que vous êtes en train de les chasser», a-t-il dit. «Les insurgés jouent sur l'idée que les Américains, malgré leurs discours, n'avaient jamais eu la volonté de partir.»

Washington compte toujours 45 000 militaires en Irak, essentiellement engagés dans la formation et le conseil des forces irakiennes.

Les États-Unis sont tenus par un accord bilatéral de retirer ce contingent à la fin de l'année. Mais le premier ministre irakien Nouri al-Maliki a prôné un dialogue national pour trancher la question politiquement très sensible d'une éventuelle demande de prolongation de cette présence.

Le retrait d'Irak était un des engagements de campagne du président américain Barack Obama, a rappelé M. Saffar.

«Il lui sera difficile de défendre un maintien de la présence américaine si le bilan des morts augmente.»