Dix personnes ont été tuées et 112 blessées dimanche dans le sud du Liban par des tirs israéliens à la frontière selon l'armée, alors que des réfugiés palestiniens manifestaient côté libanais pour commémorer la Nakba, l'exode après la création d'Israël en 1948.

Cet incident sanglant est «l'un des plus graves survenus sur la Ligne bleue (frontière entre le Liban et Israël, ndlr) depuis 2006», a affirmé le coordinateur spécial de l'ONU pour le Liban, Michael Williams, en référence à la guerre destructrice qui a opposé Israël et le Hezbollah chiite.

Des milliers de réfugiés s'étaient rassemblés dans la localité frontalière de Maroun ar-Ras, à un kilomètre de l'État hébreu, à l'occasion du 63e anniversaire de l'exode des Palestiniens à l'instar de leurs compatriotes dans les Territoires palestiniens et le Golan syrien annexé par Israël.

La tension est montée d'un cran lorsque des dizaines de jeunes manifestants ont franchi le cordon de l'armée pour s'approcher des barbelés, et ont commencé à lancer des pierres en direction des soldats israéliens de l'autre côté.

«Par notre âme, par notre sang, nous nous sacrifions pour toi Palestine», criaient-ils en accrochant des drapeaux palestiniens sur les barbelés.

Les soldats israéliens ont réagi en tirant sur les manifestants, selon les services de sécurité et l'armée libanaise.

«Les forces de l'ennemi israélien ont tiré en direction du rassemblement, provoquant la mort de 10 personnes et blessant 112 autres, dont certains grièvement», a indiqué l'armée dans un communiqué.

Une source médicale à l'hôpital de Bint Jbeil près de Maroun ar-Ras où les victimes ont été transportées et qui avait avancé auparavant le bilan de six tués, avait indiqué que «les personnes tuées ont été touchées au visage, au ventre et au coeur».

De son côté, l'armée israélienne a indiqué dans un communiqué que «plusieurs émeutiers ont tenté de franchir la barrière frontalière et de s'infiltrer en territoire israélien. Les forces israéliennes ont répliqué par des tirs de semonce», sans faire état de victimes du côté libanais.

La Force des Nations unies stationnée dans le sud du Liban (Finul) a appelé à la retenue. «J'ai appelé toutes les parties à un maximum de retenue pour éviter qu'il n'y ait davantage de victimes», a affirmé le commandant de la Finul, le général Alberto Asarta Cuevas.

Les autorités libanaises ont exprimé leur indignation.

Le président de la République Michel Sleimane «a stigmatisé les crimes israéliens contre les civils pacifiques dans le sud du Liban, dans le Golan et en Palestine», tandis que le premier ministre libanais en exercice Saad Hariri a qualifié «les tirs israéliens (...) d'agression flagrante et inacceptable».

Le premier ministre désigné Najib Mikati a également dénoncé «l'arrogance» et la «sauvagerie» d'Israël.

Quant au Hezbollah, qui a participé au financement de la manifestation selon les organisateurs, il a dénoncé la «barbarie israélienne» et appelé la communauté internationale «à ne pas être complice avec l'ennemi».

Des dizaines d'hommes, de femmes et d'enfants étaient partis le matin de la Békaa (est), du nord et du sud vers Maroun ar-Ras, à bord de bus portant des noms de localités arabes abandonnées par leurs habitants après l'exode de 1948.

«Le but de la marche est de rappeler aux nouvelles générations nées hors des frontières de la patrie que des terres de nos pères et grands-pères ont été volées par les juifs, qu'on a été chassé de là-bas et que nous devons récupérer ces terres», a affirmé l'un des organisateurs Ayad Abou al-Aynayn.

Les réfugiés palestiniens au Liban sont estimés entre 300 000 et 400 000 personnes et la majorité d'entre eux vivent dans 12 camps surpeuplés et lourdement armés.

La «Nakba» s'est traduite par l'exode de quelque 760 000 Palestiniens, point de départ de la question des réfugiés, actuellement au nombre de 4,8 millions avec leurs descendants, répartis pour l'essentiel entre la Jordanie, la Syrie, le Liban et les Territoires palestiniens.