Les quinze membres du Conseil de sécurité de l'ONU n'ont pas réussi à se mettre d'accord mercredi soir sur une déclaration condamnant la répression en Syrie, où le régime est confronté à des démissions collectives et mis en demeure par l'opposition de mener de véritables réformes sous peine d'être renversé par une «révolution».

Un projet de déclaration présenté par la Grande-Bretagne, la France, l'Allemagne et le Portugal circulait depuis lundi au Conseil de sécurité. Les quatre pays y condamnaient la violence du régime de Bachar el-Assad contre les manifestants et lançaient un appel à la retenue.

Mais mercredi, lors d'une réunion spéciale à huis clos du Conseil de sécurité sur la Syrie, la Chine et la Russie ont bloqué la déclaration,  l'ambassadeur adjoint de la Russie à l'ONU, Alexandre Pankine, mettant en garde contre une «ingérence extérieure» qui pourrait causer «une guerre civile».

M. Pankine a encore ajouté qu'il souhaitait «une vraie enquête» et que «les coupables soient traduits en justice» en Syrie.

L'ambassadeur de Syrie auprès de l'ONU, Bachar Jaafari, a rejeté toute idée d'enquête internationale. «Nous regrettons ce qui se passe, mais vous devez convenir que ces troubles et ces émeutes, dans certains de leurs aspects, masquent des intentions cachées», a-t-il dit.

Les États unis, par la voix de l'ambassadrice Susan Rice, ont sommé Bachar el-Assad de «changer de cap maintenant» et «d'écouter les appels de son propre peuple» pour le changement.

«Si rien de positif ne se passe, la France, avec d'autres, va étudier une série d'options visant à augmenter la pression sur le régime syrien de façon à ce qu'il mette fin à la répression et s'engage sur la voie des réformes», a déclaré pour sa part l'ambassadeur français Gérard Araud.

Sur place, plus de 230 membres du parti Baas, au pouvoir, ont annoncé leur démission, une trentaine dans la région de Banias (nord-ouest) et 203 dans la région du Houran (Deraa et ses environs), dans le sud du pays.

«Les services de sécurité ont démoli les valeurs sur lesquelles nous avons grandi. Nous dénonçons et condamnons tout ce qui s'est passé et annonçons sans regret notre retrait du parti», ont affirmé les démissionnaires de la région de Banias, dans un texte parvenu à l'AFP.

«Les pratiques des services de sécurité à l'encontre des citoyens sans armes à Banias et dans les villages voisins, notamment à Baïda, sont contraires à toutes les valeurs humaines et aux slogans du parti», disent-ils, en évoquant «les perquisitions dans les maisons, les tirs à balles réelles sans discrimination sur les gens, les maisons, les mosquées et les églises».

Le communiqué dénonce aussi la manière dont «les médias (syriens) parlent des manifestants tués, blessés ou torturés en les traitant de «gangs criminels armés»».

Par ailleurs, plus de 150 opposants syriens -dont le nom de la plupart d'entre eux a été gardé secret- ont mis en demeure le régime de mener de véritables réformes ou d'être renversé par une «révolution».

Le régime a le choix entre deux choses: «soit il conduit lui-même le changement vers la démocratie, soit les protestataires mènent une révolution populaire qui (le) renversera», ont-ils averti dans un communiqué commun.

«Pour introduire des réformes politiques radicales, il est nécessaire de commencer à élaborer une nouvelle Constitution qui garantisse les droits essentiels des citoyens et assure une totale séparation entre les pouvoirs législatif, juridique et exécutif, et de mettre en oeuvre une réforme radicale du système judiciaire miné par la corruption», affirment-ils.

Selon eux, «l'armée est la seule institution à même de conduire ce changement», en négociant notamment avec l'opposition.

Les militants accusent essentiellement les forces de sécurité, et non l'armée, d'être responsables de la répression meurtrière de la contestation. Depuis le début du mouvement le 15 mars, au moins 453 personnes ont été tuées, selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme.

Les représentants des 27 pays de l'Union européenne se réuniront vendredi à Bruxelles pour discuter d'éventuelles sanctions et le Conseil des droits de l'homme de l'ONU tiendra ce jour-là une session spéciale sur la Syrie, à l'initiative des États-Unis.

Plusieurs pays européens, dont la France, la Grande-Bretagne, l'Italie et l'Allemagne, ont par ailleurs convoqué mercredi les ambassadeurs de Syrie pour leur signifier leur condamnation de la répression.

L'influent sénateur américain John McCain a affirmé de son côté à l'AFP que le président syrien Bachar el-Assad avait «perdu sa légitimité» en faisant tirer sur son peuple et «devrait partir».

Des tirs étaient toujours entendus par intermittence mercredi à Deraa, où plus de 30 personnes avaient été tuées lundi et mardi, après l'entrée dans la ville de l'armée, appuyée par des chars et blindés, pour mater la contestation.

Les tirs visaient en particulier des réservoirs d'eau, a indiqué un militant des droits de l'homme, Abdallah Abazid: «Les autorités mènent une campagne pour nous affamer et nous priver d'eau».

Les autorités, qui accusent «des gangs criminels armés» d'être à l'origine du mouvement, affirment que l'armée est entrée à Deraa «à l'appel des habitants» pour en chasser «les groupes terroristes extrémistes».