Le président syrien Bachar al-Assad a levé l'état d'urgence et allégé le dispositif sécuritaire jeudi dans le pays, où des opposants, sceptiques sur la portée de ces mesures, ont lancé sur Facebook des appels à de nouvelles manifestations vendredi contre le régime.

Bachar al-Assad a promulgué trois décrets, approuvant la levée de l'état d'urgence en vigueur dans le pays depuis 48 ans, l'abolition de la Cour de sûreté de l'État, une juridiction d'exception, et un changement de la réglementation concernant les manifestations, a annoncé la télévision syrienne.

Le gouvernement avait adopté mardi des projets de loi approuvant ces mesures pour tenter de calmer un mouvement de contestation inédit qui a éclaté le 15 mars.

La fin de l'état d'urgence, en vigueur depuis l'arrivée au pouvoir du parti Baas en mars 1963, est l'une des principales revendications des contestataires, avec la libération des prisonniers politiques. M. Assad avait promis samedi qu'il serait levé dans une semaine maximum.

Mais des opposants ont jugé ces mesures insuffisantes.

«C'est une bonne mesure mais insuffisante, car elle ne répond qu'à une partie des revendications du peuple», a déclaré à l'AFP l'avocat des droits de l'Homme Haitham Maleh, réclamant notamment «l'annulation» de l'article 8 de la Constitution stipulant que le «Parti Baas est le dirigeant de la société et de l'État».

Il a demandé également l'abrogation de la loi interdisant de sanctionner les services de sécurité.

«La levée de la loi d'urgence ne change rien car les services de sécurité ne sont soumis à aucune loi», a renchéri depuis Beyrouth un cybermilitant au coeur de la contestation, Malath Aumran.

«La chute du régime est devenue la principale revendication», a-t-il affirmé à l'AFP.

Le président de l'Observatoire syrien des droits de l'Homme, Rami Abdel Rahmane, a pour sa part qualifié ces mesures de «pas positif».

«Mais nous allons surveiller les prochains jours l'action des services de sécurité», a-t-il dit à l'AFP.

Des militants sur Facebook ont estimé que les autorités n'appliqueraient pas la loi qui stipule, selon eux, qu'une fois l'état d'urgence levé, «les détenus politiques doivent être libérés, les opposants en exil autorisés à rentrer (...) et les manifestations autorisées».

Avant la levée de l'état d'urgence, un groupe avait lancé via ce réseau social un appel à manifester pour une journée baptisée «Vendredi saint», coïncidant avec le jour commémorant la Passion du Christ, qui s'annonce comme une journée-test de la détermination de l'opposition.

«Un seul coeur, une seule main, un seul objectif», ont indiqué les organisateurs sur une page où l'on voit un clocher d'église entre deux minarets.

Jeudi, quelque 150 étudiants ont organisé un sit-in dans la ville de Hassaké, à 600 km au nord-est de Damas, en solidarité avec les manifestants dans les autres régions syriennes, selon un témoin et un militant des droits de l'Homme.

Mardi, les autorités avaient prévenu qu'elles n'accepteraient aucune nouvelle manifestation «sous n'importe quel slogan». Elles accusent des «gangs armés criminels» d'être à l'origine de la contestation et le ministère de l'Intérieur a promis de mater une «rébellion armée de groupes salafistes» (sunnites radicaux).

Le président Assad a nommé un nouveau gouverneur à Homs (160 km au nord de Damas), où des manifestants ont été tués lors de la dispersion d'un sit-in mardi, en remplacement de l'ancien gouverneur limogé le 7 avril, a annoncé l'agence officielle Sana.

Mercredi soir, la secrétaire d'État américaine Hillary Clinton avait fait part de la «vive inquiétude» que lui inspirait la situation à Homs, et avait demandé au gouvernement syrien d'engager un «réel processus politique».