Exit les derniers ministres hérités du président déchu Ben Ali, aucun membre de l'opposition: le Premier ministre tunisien par intérim, Béji Caïd Essebsi, a formé lundi un gouvernement composé de technocrates dont la mission première est la sécurité et l'économie.

Les nouvelles autorités ont immédiatement donné un autre signal fort en annonçant la dissolution de la redoutée Direction de la sécurité du territoire (DST) et de la police politique qui a fait régner la terreur durant les 23 ans de pouvoir de Zine El Abidine Ben Ali.

Les 21 ministres, dont 17 reconduits aux postes qu'ils occupaient depuis le 27 janvier, sont des technocrates.

Fait notable, ce troisième gouvernement depuis la chute le 14 janvier de Ben Ali, ne compte plus aucun ministre ayant servi dans le dernier gouvernement du président déchu.

Les deux «survivants» étaient Mohamed Nouri Jouini (Planification et la coopération internationale) et Mohamed Afif Chelbi (Industrie et technologie),

Ce cabinet s'inscrit dans «la continuité», a assuré M. Essebsi lors d'une conférence de presse, précisant que le rétablissement de la sécurité «est la clef pour le règlement de tous les autres problèmes» car «sans sécurité, il n'y aura pas de développement».

Le souvenir des très violents affrontements au coeur de Tunis les 26 et 27 février qui avaient fait six morts, est encore frais.

Les deux précédentes équipes avaient fait l'objet d'une contestation permanente de la rue qui avait abouti à la démission du Premier ministre Mohammed Ghannouchi le 27 février, dernier chef de gouvernement de Ben Ali pendant onze ans d'affilée.

Pendant une semaine, des milliers de personnes avaient campé sous ses fenêtres pour qu'il «dégage» (le mot fétiche de la révolution) de sa première équipe tous les caciques de l'ancien régime.

Sa seconde n'avait pas eu l'heur de plaire non plus à la rue et finalement M. Ghannouchi avait jeté l'éponge.

Nommé à sa place le 27 février, M. Essebsi, 84 ans, a dû remanier immédiatement le gouvernement dont il avait hérité de son prédécesseur suite aux démissions en quelques jours de cinq ministres, dont les deux représentants de l'opposition: Ahmed Ibrahim (Enseignement supérieur et recherche scientifique) et Ahmed Néjib Chebbi (Développement régional et local).

Face à la grogne permanente d'une frange contestataire craignant de voir «sa» révolution confisquée par des politiciens de retour, le président par intérim Foued Mebazaa avait annoncé jeudi le report des élections promises juste après le 14 janvier et l'élection préalable le 24 juillet d'une assemblée constituante chargée de rédiger une nouvelle constitution.

M. Essebsi a d'ailleurs été clair sur son avenir et celui de son équipe: le bail n'est que de quatre mois et demi. Après l'élection de la «Constituante, une assemblée souveraine, le lendemain ou deux trois, jours après, vous ne me verrez plus à cette tribune».

«Je suis un homme de confiance, de parole», a-t-il insisté, en annonçant le retour du cabinet mardi dans les locaux du gouvernement à la Kasbah, après s'être replié sur le palais présidentiel de Carthage pour des raisons de sécurité.

En annonçant l'élection d'une Constituante, une des renvendications phare de l'opposition, M. Mebazaa avait proclamé «l'entrée dans une nouvelle ère (...) dans le cadre d'un système politique nouveau qui rompt définitivement et d'une manière irréversible avec le régime déchu».

Au premier jour du nouveau gouvernement, les Tunisiens ont d'ailleurs eu droit à deux autres événements chargés de symbole.

Le ministère de l'Intérieur a annoncé qu'il «s'engageait à appliquer la loi et à respecter les libertés et des droits civiques», et la Ligue tunisienne des droits de l'Homme, harcelée sous Ben Ali pendant des années, a tenu ce lundi son conseil national.