En Afghanistan, les forces de sécurité afghanes et de l'Otan affrontent et tuent régulièrement des mineurs, kamikazes plus ou moins volontaires ou jeunes démunis payés par les talibans pour aller au combat.

«On voit l'ennemi. Ce sont des enfants, âgés de 15-16 ans», explique le capitaine américain Mike Cain dans sa base proche de Kandahar, la grande ville du Sud. Comme beaucoup de ses camarades, cette situation le déprime: tirer sur des adolescents, «c'est très dur pour le moral».

Dans un rapport publié en avril 2010, l'ONU dénonce le recrutement et l'utilisation systématiques d'enfants par les rebelles afghans, citant «des cas d'enfants menant des attaques suicide ou utilisés (...) pour mettre en place des explosifs, parfois à leur insu».

Selon les services de renseignement afghans, «plus de 80% des (candidats) kamikazes capturés au cours des neuf derniers mois étaient des garçons mineurs, généralement âgés de 13 à 17 ans», voire «12 ans» pour certains.

Et les mineurs combattant les forces afghanes et de l'Otan sur le terrain sont encore plus nombreux.

«Des «bébés combattants». Mais qu'est-ce qu'on peut faire? Ils nous attaquent (...) Si on ne les tue pas, c'est eux qui nous tuent», explique un officier de la force de l'Otan (Isaf) stationné à Kaboul.

«Ce sont juste des jeunes stupides et ignorants qui font ça pour l'argent», note le capitaine Cain.

L'argent est la première motivation de ces adolescents, confirme un officier canadien s'occupant de prisonniers talibans à Kandahar. «Ceux qu'on capture ici sont essentiellement des gamins qui creusent des trous» pour placer des bombes artisanales, premières causes des pertes au sein des forces afghanes et de l'Isaf, ajoute-t-il.

En 2010, 35 enfants soupçonnés d'«activités d'espionnage ou de terrorisme» ont été arrêtés dans le Sud, selon l'Unicef.

Une étude financée par l'Unicef en 2008 pointait du doigt la vulnérabilité des enfants pauvres de la province de Kandahar, bastion taliban, qui en fait des cibles de choix pour les groupes insurgés qui les recrutent avec de l'argent.

Dans une zone de guerre ou le système judiciaire est inexistant sinon réputé inefficace et corrompu, les rebelles capturés sont régulièrement torturés, voire exécutés sommairement. Mais les mineurs, eux, sont «souvent relâchés parce que personne ne sait vraiment quoi en faire», râle l'officier canadien.

Certains restent toutefois détenus par le gouvernement afghan ou la coalition internationale, note l'ONU.

Mohammad Jawad, accusé d'avoir blessé des soldats américains avec une grenade à Kaboul, a ainsi été emprisonné à Guantanamo en 2003 à 14 ans avant d'être libéré en 2009, une juge américaine estimant que ses aveux avaient été extorqués sous la torture.

Omar Khadr, Canadien d'origine pakistanaise, capturé dans l'est de l'Afghanistan et emprisonné en 2002 à Guantanamo à l'âge de 15 ans, s'y trouve toujours.

L'enrôlement de mineurs, officiellement interdit, existe aussi dans les forces afghanes. Selon l'ONU, le faible niveau d'enregistrement des naissances et la facilité pour modifier les âges sur les papiers d'identité permettent à des adolescents de s'engager.

Posté à Kandahar, le sergent de l'armée afghane Khan Pacha attend la fin de son contrat de cinq ans, passés à combattre sur les fronts les plus difficiles du pays. «J'ai 20 ans», assure-t-il. Il part à la «retraite» fin février...

Le gouvernement afghan et l'ONU ont signé dimanche un accord sur la prévention de l'enrôlement des mineurs dans les forces afghanes.