«Où est mon vote?» La petite pancarte verte que brandit Raja Najem ne passe pas inaperçue dans la foule. Comme quelques centaines de personnes, Raja est venu hier soir exprimer son exaspération à quelques pas du mausolée de Rafic Hariri, sur la place des Martyrs, à Beyrouth. «Certains députés pour lesquels nous avons voté il y a un an nous ont trahis», déplore-t-il.

Le 12 janvier dernier, la démission de ministres du Hezbollah et de ses alliés chrétiens avait provoqué la chute du gouvernement dirigé par Saad Hariri, le fils de l'ancien premier ministre assassiné en 2005. Le Hezbollah souhaitait que le gouvernement désavoue le Tribunal spécial sur le Liban, chargé d'enquêter sur l'assassinat et considéré par le Hezbollah comme étant à la «solde des États-Unis et d'Israël», ce qu'avait refusé Saad Hariri.

À l'issue des consultations parlementaires pour désigner un premier ministre, Najib Mikati, candidat proposé par le Hezbollah, a devancé de quelques voix Saad Hariri.

Un coup de poker qui a été rendu possible grâce au revirement de plusieurs députés alliés à Hariri lors des dernières élections en 2009, notamment les parlementaires du leader druze Walid Joumblatt.

Najib Mikati, qui se présente comme «modéré» et milite depuis plusieurs années pour un mouvement «centriste» au Liban est pourtant considéré comme le «candidat du Hezbollah» par ses détracteurs.

Milliardaire à la tête d'un groupe international de télécommunications, il a toujours été un concurrent de la famille Hariri pour la conquête du leadership sunnite, le premier ministre étant issu de cette confession.

«Nous nous sommes battus pour ce tribunal»

Dans toutes les régions du Liban, l'annonce de sa désignation a provoqué des troubles. À Beyrouth, des jeunes affiliés au mouvement de Saad Hariri ont brûlé pendant toute la journée pneus et bennes à ordures, lancé des pierres aux journalistes, dans un face à face tendu avec l'armée. Les rues de la capitale libanaise étaient presque désertes hier soir, quadrillées en permanence par des blindés.

La volonté de Najib Mikati de former un gouvernement d'union nationale ne semble pas avoir apaisé les esprits. «Nous nous sommes battus depuis des années pour avoir ce tribunal, honte à celui qui nous fera revenir en arrière», s'exclame Toufic, un jeune manifestant de 18 ans.

Le nouveau premier ministre pourrait être amené par le Hezbollah et ses alliés à se désolidariser du tribunal en lui coupant les vivres (49% est financé par le Liban) et en retirant les juges libanais de la juridiction internationale. Ce qui n'empêcherait pas le tribunal de fonctionner, mais nuirait à sa crédibilité et ralentirait son fonctionnement. Les consultations pour former un nouveau cabinet commenceront demain, mais le camp de Saad Hariri a d'ores et déjà annoncé sa volonté de ne pas participer au futur gouvernement.

«Ce n'est que le premier jour de la mobilisation, mais elle va aller crescendo. Le premier jour des manifestations pour le départ des troupes syriennes en 2005, nous n'étions qu'une poignée. Nous n'avons pas peur des armes du Hezbollah, nous avons le droit de notre côté», conclut Kamal al Batal, un autre manifestant, qui ne lâche pas des mains sa pancarte «Non à la loi du Hezbollah».