Écoles fermées, rassemblements de jeunes et tractations politiques. Le Liban, toujours sans gouvernement, retient son souffle en attendant que se discute son sort. Pendant ce temps, aux Pays-Bas, le procureur Daniel Bellemare commente le dépôt de l'acte d'accusation: un «moment important» pour les Libanais.

Entre la chute du gouvernement de Saad Hariri et le dépôt de l'acte d'accusation pour identifier les assassins de son père, Rafic, un nom revient constamment: Hezbollah. Comment le «parti de Dieu» influencera-t-il la formation du nouveau gouvernement? Le Liban risque-t-il de basculer dans la violence? Bernard Haykel, observateur de la scène arabe et Libanais d'origine, l'ignore.

«Tout dépend du Hezbollah», dit ce professeur de l'Université américaine de Princeton, joint hier par La Presse à Abou Dhabi où il est de passage. «Ça serait très difficile d'avoir un gouvernement qui fonctionne normalement sans le Hezbollah, puisqu'il représente une bonne proportion de la population, les chiites (entre 30 et 40%). Ils ont quelques alliés parmi les chrétiens. Sans eux, ce sera très difficile.»

Onze ministres du parti Hezbollah et de leurs alliés ont démissionné en bloc la semaine dernière, provoquant la chute du gouvernement du premier ministre Saad Hariri. Le Hezbollah a indiqué depuis qu'il n'appuierait pas un nouveau gouvernement mené par M. Hariri, sur qui il a fait pression ces derniers mois pour qu'il désavoue le Tribunal spécial pour le Liban (TSL). L'organisation islamique chiite craint que ses membres soient visés par les accusations portées par le Tribunal - un acte d'accusation confidentiel a d'ailleurs été déposé lundi.

Hier, des écoles ont fermé dans des quartiers de la capitale dans lesquels cohabitent sunnites et chiites. Des centaines de jeunes étaient brièvement descendus dans les rues, mais les objectifs de cette mobilisation n'étaient pas clairs, selon les rapports des agences de presse. Néanmoins, Bernard Haykel ne pense pas que la guerre civile pourrait ressurgir.

«Ce n'est pas la première fois que le gouvernement libanais sera paralysé», dit-il. Le secteur économique et bancaire reste fort, note-t-il. Tout dépend du Hezbollah. «Il est capable d'entrer militairement dans Beyrouth, ils l'ont déjà fait dans l'Ouest», dit-il. «Mais je ne crois pas à une guerre civile. Aucune milice libanaise ne peut se battre contre le Hezbollah. Il est beaucoup plus fort. Je ne crains pas une guerre, mais des actes de violence, comme des assassinats.»