Des milliers de Pakistanais ont bravé mercredi à Lahore (est) les menaces de violences pour assister aux funérailles du gouverneur du Pendjab, assassiné la veille, le crime politique le plus important dans le pays depuis l'assassinat de Benazir Bhutto fin 2007.

Salman Taseer, 66 ans, l'un des rares politiciens du pays à critiquer ouvertement l'islamisme, a été abattu par un de ses gardes qui l'a criblé de 29 balles mardi dans un quartier cossu de la capitale Islamabad.

Ce meurtre a horrifié le parti du peuple pakistanais (PPP) au pouvoir, dont M. Taseer était une figure, mais a été salué dans les cercles religieux conservateurs, soulignant la fragilité d'un pays et d'un gouvernement dont la survie politique ne tient plus qu'à un fil.

Le premier ministre Yousuf Raza Gilani et des milliers de partisans du PPP ont assisté aux prières funéraires au siège du gouvernement du Pendjab, avec un peu de retard en raison de dangereux mouvements de foule.

Enveloppé dans un drapeau aux couleurs vert et blanc nationales, le cercueil de M. Taseer a ensuite été transporté par hélicoptère dans un cimetière proche situé dans une enclave militaire de Lahore, et mis en terre.

La ville était sous haute surveillance et sous tension après les manifestations mardi de dizaines de partisans du PPP dénonçant l'assassinat.

M. Gilani avait décrété la veille trois jours de deuil national, en appelant au calme pour éviter de violents rassemblements, comme le pays en a connu dans le passé après des assassinats politiques.

L'assassinat de M. Taseer a notamment été condamné par les États-Unis, allié d'Islamabad à qui il réclame d'en faire plus contre les rebelles islamistes sur son sol, et par l'ONU et l'Union européenne.

Les enquêteurs devaient de leur côté déterminer si le garde de M. Taseer, Malik Mumtaz Hussain Qadri, a agi seul ou s'il s'agissait d'un complot plus large. Selon les autorités, il s'est immédiatement rendu et a avoué avoir tué le gouverneur en raison de son opposition à la loi sur le blasphème.

Dix personnes ont été arrêtées à la suite du meurtre, dont le superviseur de la sécurité qui a mis le meurtrier sur le planning de travail ce jour là, et son adjoint, a indiqué le ministre de l'Intérieur Rehman Malik.

Homme d'affaires à succès, Salman Taseer avait publiquement soutenu et rendu visite à Asia Bibi, une mère de famille chrétienne accusée d'avoir blasphémé contre le prophète Mahomet. Une affaire très sensible, libéraux et conservateurs s'opposant régulièrement au sujet de cette législation.

Fin décembre, une grève générale décrété par les conservateurs contre toute modification de la loi sur le blasphème a fait fermer de nombreux commerces dans plusieurs grandes villes du pays.

«Taseer était un des rares hommes politiques prêt à risquer sa vie en s'affichant sans ambiguïté contre les discriminations et abus», note Ali Dayan Hasan, chercheur pour l'ONG Human Rights Watch dans la région.

Son assassinat et les menaces proférées contre d'autres personnalités libérales soulignent selon plusieurs analystes la profonde progression de l'extrémisme religieux dans la société.

Il intervient alors que le gouvernement, minoritaire au parlement après la défection dimanche d'un de ses principaux alliés au sein de la coalition au pouvoir, est désormais à la merci de l'opposition, qui peut le faire tomber si elle s'unit pour déposer une motion de censure.

Son chef Nawaz Sharif a lancé mardi un ultimatum à M. Gilani, lui donnant trois jours à partir de la fin du deuil national pour annoncer des réformes.