Engagés en Afghanistan, les États-Unis mènent parallèlement une autre guerre de l'autre côté de la frontière, au Pakistan, où ils ont considérablement intensifié leurs frappes en 2010 contre les islamistes.

En Afghanistan, l'effet des renforts envoyés cette année se fait sentir sur le terrain, selon un rapport de la Maison-Blanche; au Pakistan, le nombre de frappes de drones, qui constitue le baromètre des opérations, a plus que doublé par rapport à 2009.

Au 17 décembre, les Predator et Reaper ont frappé à 113 reprises au moins Al-Qaïda, les talibans et les militants du réseau Haqqani qui trouvent refuge au Pakistan, selon le décompte du centre de réflexion Fondation pour une nouvelle Amérique.

Le nombre de tirs de drones pour la seule année 2010 dépasse le total des frappes des six années précédentes et a provoqué la mort de plus de 873 rebelles, selon cette fondation.

Mardi encore, trois attaques de drones contre des campements et véhicules de rebelles présumés ont fait au moins 15 morts dans une zone tribale du nord-ouest du Pakistan, selon des responsables de la sécurité.

Cette «guerre des drones» est secrète et menée par la CIA, qui dispose également de sa propre armée: 3000 Afghans basés en Afghanistan et amenés à franchir la frontière pour éliminer des insurgés ou recueillir des renseignements.

Concentrées dans le Waziristan du Nord, les frappes visent également le Waziristan du Sud et la zone tribale de Khyber. Washington pousse les autorités pakistanaises à autoriser de nouvelles zones de frappes et souhaite davantage d'efforts d'Islamabad.

Les responsables pakistanais soutiennent pourtant discrètement cette politique de frappes. La plupart des renseignements obtenus par la CIA pour déterminer les cibles viennent du Pakistan, écrit Peter Bergen, un spécialiste de cette «guerre des drones», sur le site internet de cette fondation.

En 2010, de meilleurs renseignements ont semblent avoir permis de réduire les victimes civiles occasionnées par ces frappes, estime-t-il. Mais leur nombre reste «plus élevé que Washington veut bien l'admettre», soutient l'ONG Campagne pour les victimes innocentes de conflits (Civic).

Les victimes civiles dressent la population contre les États-Unis et risquent de nourrir les rangs des extrémistes mais Washington soutient que les tirs de drones ont gravement affaibli la direction d'Al-Qaïda au Pakistan.

Cette campagne de drones «peut être considérée comme une guerre» mais elle n'est pas perçue comme telle, expliquait en mars devant le Congrès américain Peter Singer, un spécialiste des armements automatisés.

Est-ce parce qu'elle est menée par la CIA et non par les militaires, parce que le Congrès n'en a pas débattu ou parce qu'il n'y a pas de pertes américaines? se demandait-il.

De fait, les opérations américaines au Pakistan ne font l'objet que de très peu de débat aux Etats-Unis et l'objectif ultime affiché par le président Barack Obama de «battre Al-Qaïda» dans la zone pakistano-afghane reste incertain.

Les drones constituent l'arme privilégiée pour lutter contre Al-Qaïda au Yémen comme au Pakistan. Pour Bruce Riedel, un ex-agent de la CIA spécialiste de la zone pakistano-afghane, cela revient à «s'attaquer à un nid de guêpes, guêpe après guêpe». «Le nid produira toujours plus de guêpes», a-t-il expliqué au magazine New Yorker.

Mais Washington n'a d'autre option que de poursuivre les frappes de drones, selon lui: «la raison pour laquelle l'administration continue est évidente: elle n'a vraiment rien d'autre».