Être scientifique et s'intéresser au nucléaire en Iran semble être une équation dangereuse. Moins d'un an après qu'un premier physicien eut été tué devant sa résidence à Téhéran, deux autres universitaires ont été la cible d'un attentat hier matin. L'un d'eux y a laissé la vie.

Les deux hommes ont été attaqués alors qu'ils se rendaient à l'université Shahid Behesti, où ils enseignaient. Selon la police de Téhéran, des individus en motocyclette ont fixé des bombes à l'aide d'aimants sur les voitures des deux scientifiques alors qu'ils circulaient dans le dense trafic de la capitale iranienne.

La voiture de Majid Shahriari a explosé alors qu'il était au volant, le tuant sur le coup et blessant sa femme, qui était à ses côtés. Fereydoun Abbasi Davani était en train de se garer quand la détonation a eu lieu. Sa femme et lui ont été blessés.

Les suspects ont réussi à s'enfuir. La police de Téhéran, qui a ouvert une enquête, affirme n'avoir reçu aucune revendication pour le double attentat.

Au coeur du programme nucléaire

Au dire des autorités et des médias d'État, les deux scientifiques occupent une place centrale dans le programme nucléaire iranien.

Le défunt, professeur de génie nucléaire, était fondateur de la Société nucléaire d'Iran et un proche collaborateur de Mahmoud Ali Mohammadi, tué en janvier dernier dans des circonstances analogues.

Expert en laser, M. Abbasi serait pour sa part «l'un des rares spécialistes iraniens de la séparation des isotopes», au dire d'un site d'informations proche du régime islamique. Soupçonné de travailler clandestinement à la mise au point d'une arme nucléaire pour l'Iran, il est connu du Conseil de sécurité des Nations unies, qui, en imposant des sanctions à l'Iran en 2007, avait interdit de voyage M. Abbasi.

Le président iranien, Mahmoud Ahmadinejad, a immédiatement accusé les services secrets israéliens. «Il ne fait aucun doute qu'il y a les mains du régime sioniste et de gouvernements occidentaux» derrière le meurtre et la tentative de meurtre, a-t-il déclaré.

Lors de l'assassinat de Mahmoud Ali Mohammadi, en janvier dernier, les autorités iraniennes avaient aussi montré du doigt le Mossad et la CIA. Cependant, près d'un an plus tard, on ne tient toujours aucun suspect.

«Une chose est sûre: nous assistons à une campagne d'intimidation des scientifiques du pays, mais on ne sait pas par qui ils sont tués», expose Houchang Hassan-Yari, professeur au Collège militaire royal du Canada et expert en politique iranienne. Rappelant que la CIA a une longue histoire d'interventionnisme en Iran, le politologue note que, s'il est possible que les récents attentats aient été perpétrés par des agents secrets étrangers, il ne faut pas d'emblée écarter le thèse d'un assassinat interne: «L'Iran a connu des vagues d'assassinats d'intellectuels et d'universitaires. Assiste-t-on à un nouvel épisode?»