Le fondateur du site Wikileaks, Julian Assange, a assuré samedi à Londres avoir voulu rétablir «la vérité» sur la guerre en Irak, en diffusant 400 000 documents confidentiels qui révèlent de nombreux cas de torture commis par les Irakiens et couverts par l'armée américaine.

«La révélation (des documents) vise à établir la vérité», a dit M. Assange lors d'une conférence de presse à Londres. «Nous espérons corriger certaines des attaques contre la vérité qui sont survenues avant la guerre, pendant la guerre et qui continuent», a-t-il ajouté en réponse aux accusations de Washington.

Selon les documents, au moins 109 000 personnes, dont 63% de civils, ont été tuées en Irak depuis l'invasion américaine de mars 2003 et jusqu'à fin 2009. Sur les 66 000 morts civils, 15 000 cas n'avaient jamais été révélés.

Les «fuites les plus massives de toute l'histoire de l'armée américaine», selon Wikileaks, montrent aussi que l'armée américaine n'aurait «rien fait» pour empêcher des tortures commises par les forces irakiennes.

Elles mettent par ailleurs en évidence «de nombreux cas de crimes de guerre qui semblent manifestes de la part des forces américaines, comme le meurtre délibéré de personnes qui tentaient de se rendre», selon le site.

Une start-up française, OWNI, a réalisé l'application rendant accessible sur internet la masse énorme de ces révélations.

Les fuites ont aussi été diffusées via des médias tels que le Guardian, le Spiegel, Le Monde et le New York Times.

Le quotidien américain consacrait samedi l'essentiel de sa Une aux fuites, et deux pleines pages intérieures, assorties d'images de guerre très dures.

La secrétaire d'État américaine, Hillary Clinton, a condamné la fuite de tout document pouvant mettre en danger «la vie des soldats et des civils des États-Unis et de leurs alliés».

Après une réaction identique du Pentagone vendredi, l'administration Obama s'est abstenue de toute nouvelle réaction samedi.

Le porte-parole de Wikileaks, Kristinn Hrafnsson, a annoncé de nouvelles révélations à venir, sur la guerre en Afghanistan cette fois. Ces documents seraient au nombre de 15 000. En juillet, le site avait déjà diffusé 77 000 documents sur ce conflit.

Comme les dossiers diffusés vendredi, ceux-ci seront édités afin de masquer les noms des personnes impliquées et «ne contiennent aucune information qui pourrait menacer des particuliers», a promis Wikileaks.

À Bagdad, le Premier ministre irakien sortant Nouri al-Maliki a vu dans la publication des documents une «campagne médiatique» menée par ses opposants politiques.

«Les documents n'ont pas été une surprise pour nous, car nous avions déjà mentionné plusieurs des faits évoqués, y compris ce qui s'est passé à la prison d'Abou Ghraib, de même que d'autres cas impliquant les forces américaines», a pour sa part déclaré à l'AFP le porte-parole du ministère irakien des droits de l'homme, Kamel al-Amine.

Le rapporteur spécial de l'ONU sur la torture, Manfred Nowak, n'en a pas moins appelé le président américain Barack Obama à lancer une enquête.

«Je me serais attendu à ce que (ce genre d'enquête) soit lancée depuis déjà longtemps, car le président Obama est arrivé au pouvoir en promettant le changement... Le président Obama a l'obligation de traiter les cas passés», a-t-il estimé.

Phil Shiner, avocat représentant l'organisation de défense des droits civils Public Interest Lawyers, a pour sa part indiqué que les forces britanniques en Irak pourraient être impliquées «dans plusieurs abus (...) susceptibles de justifier des poursuites devant les tribunaux britanniques».