Israël oscillait jeudi entre anxiété et curiosité devant la proximité inédite du président iranien Mahmoud Ahmadinejad, honni dans ce pays pour ses déclarations sur le génocide nazi ou la disparition de l'État hébreu, en déplacement dans le sud du Liban, frontalier d'Israël.

Du côté israélien de la frontière, seul un groupe hétéroclite d'une dizaine de manifestants ultra-orthodoxes et druzes arabes conduits par un député du Likoud (droite), le parti du premier ministre Benjamin Netanyahu, manifestait.

Ils ont tenté de lâcher des ballons aux couleurs bleues et blanches d'Israël en direction du Liban mais les vents les ont repoussés vers Israël.

«Le fait d'ignorer Ahmadinejad est précisément ce qui l'a amené à notre frontière», a déploré le député, Ayoub Kara, pour justifier sa présence sur place, an compagnie de dizaines de journalistes.

Occupé à gonfler les ballons, un protestataire, Shabtai El-Nasi, confie: «Si nous pouvions l'attacher (le président iranien, NDLR) aux ballons, nous le ferions».

«Il vient inspecter ses bunkers», accuse-t-il, en référence aux fortifications du Hezbollah chiite libanais, soutenu par Téhéran, qui a infligé des pertes cuisantes à l'armée israélienne lors du conflit de 2006.

«Le président iranien est venu comme un chef militaire passant en revue ses troupes, les terroristes du Hezbollah utilisés comme le bras armé de l'Iran dans la région», a déclaré à l'AFP un haut responsable gouvernemental israélien sous le couvert de l'anonymat.

Le Hezbollah, représenté au Parlement libanais, figure sur la liste américaine des «organisations terroristes».

M. Ahmadinejad devait prononcer un discours à Bint Jbeil, à près de quatre kilomètres de la frontière, haut lieu de la résistance des combattants du Hezbollah à l'offensive de l'armée israélienne lancée après le rapt de deux de ses soldats le 12 juillet 2006.

Il était également attendu à Cana, village doublement «martyr» pour les Libanais, frappé par des raids israéliens ayant coûté la vie à 105 civils en 1996 et à 29 personnes, dont 16 enfants en 2006.

«Ses intentions sont manifestement hostiles et il vient jouer avec le feu», avait affirmé mercredi le porte-parole du ministère israélien des Affaires étrangères Yigal Palmor, jugeant la visite «provocatrice et déstabilisante».

Le conflit de 2006 a fait en 34 jours plus de 1 200 morts côté libanais, en majorité des civils, et 160 du côté israélien, surtout des militaires.

Les médias israéliens s'intéressaient surtout à la proximité physique inédite de Mahmoud Ahmadinejad.

«Ahmadinejad à un kilomètre», titrait le quotidien Yediot Aharonot. «Ahmadinejad - plus proche que jamais», renchérissait le journal Maariv.

Un député israélien d'extrême-droite, Arié Eldad, a préconisé mercredi de profiter de l'occasion pour se débarrasser du président iranien, qu'il a comparé à Hitler.

«Si Ahmadinejad se trouve ne serait-ce qu'un seul instant, dans le viseur d'un soldat de Tsahal (l'armée israélienne), il faut absolument l'empêcher de revenir vivant chez lui», a affirmé cet élu de l'Union Nationale, un parti d'opposition.

Mais le vice-premier ministre Sylvan Shalom a assuré qu'Israël «n'assassinait pas les chefs d'État, d'États totalitaires qui veulent nuire à Israël».

M. Ahmadinejad se rend régulièrement en Syrie, également limitrophe de ce pays.

Mais la dernière visite au Liban d'un président iranien remonte à celle de son prédécesseur réformateur Mohammad Khatami, en mai 2003.