Bourrage d'urnes, fausses cartes d'électeurs, vote sous pression ou forcé: des plaintes pour des irrégularités ont déjà été enregistrées lors des législatives de samedi en Afghanistan, mais l'ampleur des fraudes ne pourra être connue qu'avec l'annonce des résultats.

Plus de 4 millions d'Afghans, soit 40% des électeurs selon le chiffre officiel, sont allés aux urnes malgré près de 300 attaques des talibans et autres insurgés. Et deux jours après le scrutin, les fonctionnaires de la commission électorale continuaient lundi le dépouillement des bulletins.

Des premiers résultats partiaux sont prévus mercredi. Les résultats définitifs officiels ne seront connus que le 31 octobre.

Dès samedi, la Commission des plaintes électorales (ECC), l'organe chargé d'enquêter sur les fraudes, avait commencé à recevoir des plaintes.

«Nous avons reçu des dizaines de plaintes pour des irrégularités. Nous avons besoin de quelques jours pour les collecter et les trier», avait déclaré dimanche Ahmad Zia Rafaat, un des responsables de l'ECC. «Pour l'instant, les principaux types de plaintes concernent la mauvaise qualité de l'encre indélébile et l'usage de fausses cartes d'électeurs, la plupart d'entre elles ayant été saisies, mais on ne peut exclure la possibilité que certaines aient été utilisées».

Les services secrets avaient annoncé samedi soir la saisie de 22.000 fausses cartes.

De son côté, l'ONG FEFÀ (Fondation afghane pour des élections libres et régulières) a affirmé que le déroulement du scrutin avait donné lieu à de «nombreuses irrégularités» qui font peser «des doutes sérieux sur la qualité du scrutin». Elle a fait état de divers incidents, violences et bourrages d'urnes notamment.

«L'intimidation est un des problèmes principaux», a estimé Nader Nadery, le président de la FEFA, en référence aux tentatives de responsables locaux ou de candidats d'influencer le vote des électeurs: «Dans certaines provinces, nous avons constaté que le niveau d'intimidation avait affecté le choix des votants et nous devons être très, très prudents».

Le gouvernement afghan, l'ONU et la communauté internationale avaient prévenu avant le scrutin qu'il y aurait des irrégularités, la seule question étant: à partir de quel niveau de fraudes pose-t-on la question de la légitimité du scrutin?

Le taux de participation est lui-même sujet à caution. La Commission électorale a annoncé, selon ses premières estimations, que plus de 4 millions d'Afghans, soit 40% des électeurs attendus, avaient voté pour choisir leurs 249 députés parmi 2.500 candidats.

En comparaison, le scrutin présidentiel du 20 août 2009, entaché de fraudes massives au profit du président sortant Hamid Karzaï, avait enregistré un taux de participation de 30 à 33%.

Mais dans un pays qui ne connaît pas, faute de recensement, le chiffre exact de sa population, les chiffres sur le corps électoral, l'électorat ou la participation peuvent être sujet à caution.

«On parle de 40% qui pourraient avoir voté dans les bureaux de vote qui ont ouvert, mais ce n'est pas 40% du corps électoral», souligne Martine van Biljlert, une experte pour le réseau des analystes sur l'Afghanistan (AAN).

Plus de 1.200 bureaux de vote n'ont pas ouvert samedi.

Jeb Ober, le responsable en Afghanistan de l'ONG américaine Democracy International, se veut plus prudent. «La commission électorale a encore beaucoup de travail et la légitimité du scrutin reste à voir».

«Des violations se sont sûrement produites mais nous attendons que les autorités compétentes règlent ces problèmes», a estimé la présidence afghane.

«Le président afghan pense qu'on ne peut pas juger du scrutin tant que les autorités compétentes ne se seront pas exprimées», a ajouté le porte-parole de la présidence, Waheed Omer.