Le premier ministre irakien Nouri al-Maliki, qui peut compter sur le soutien non avoué de Washington et de l'Iran, est le favori pour former le prochain gouvernement, ont estimé mardi des analystes, six mois après des législatives qui ont ouvert une profonde crise politique en Irak.

Les États-Unis ont systématiquement démenti toute préférence pour le poste de premier ministre mais, face à la frustration croissante que cette impasse génère dans la population irakienne, ils considéreraient désormais M. Maliki comme le seul candidat viable dans ce pays profondément divisé.

La crainte de voir son principal rival, l'ex-premier ministre Iyad Allawi, ramener au pouvoir dans son sillage d'anciens alliés de Saddam Hussein, aurait également convaincu certains partis chiites liés à l'Iran de se ranger derrière le sortant, malgré leurs réserves quant à son caractère et ses capacités.

Lors des législatives du 7 mars, l'Alliance de l'État de droit (AED) de M. Maliki, un mouvement chiite, a récolté 89 sièges sur 325, soit deux de moins que le Bloc irakien, une alliance laïque soutenue par les sunnites et emmenée par M. Allawi, un chiite.

Malgré des mois de négociations et les multiples tentatives américaines de conciliation, aucun des deux n'est parvenu à forger une coalition de gouvernement.

Inquiets pour l'avenir de l'édifice démocratique qu'ils ont mis en place en Irak depuis l'invasion de 2003, les États-Unis opteraient désormais pour un gouvernement dirigé par M. Maliki, et dans lequel M. Allawi tiendrait un «rôle important».

Un haut dirigeant de l'AED a affirmé que le vice-président américain, Joe Biden, avait indiqué à M. Maliki lors de sa visite la semaine dernière que la plupart des capitales arabes de la région, à l'exception de Riyad, avaient décidé de ne plus soutenir M. Allawi.

«Selon M. Maliki, M. Biden lui a dit +le Bloc irakien a beaucoup de problèmes (...). J'ai dit à la Turquie, à la Jordanie, à l'Égypte, au Qatar et aux Emirats arabes unis de ne plus soutenir Allawi+», a déclaré ce responsable sous le sceau de l'anonymat.

«Le vice-président a ajouté: +Ils ont tous été convaincus, sauf l'Arabie saoudite+», a poursuivi ce responsable.

À en croire le politologue irakien Aziz Jabr, dans la foulée de la visite à Doha du président iranien Mahmoud Ahmadinejad, qui s'est achevée lundi, l'émir du Qatar cheikh Hamad Ben Khalifa Al-Thani s'est rendu à Riyad avec un message demandant à l'Arabie saoudite de ne plus soutenir M. Allawi.

Le même responsable de l'AED a indiqué que le président de la région autonome kurde Massoud Barzani avait également informé M. Maliki de son soutien, ce qui priverait de facto M. Allawi des 57 sièges de l'alliance kurde.

S'il a quitté le gouvernement l'an dernier en raison de désaccords avec le premier ministre, le mouvement du chef radical chiite Moqtada Sadr serait également prêt à se ranger derrière M. Maliki.

«Nous traiterons avec Nouri al-Maliki s'il garde son poste», a déclaré à l'AFP Bahaa al-Aaraji, un député sadriste. «Le problème du mouvement sadriste avec M. Maliki n'était pas personnel, mais il était lié à son maigre bilan ces quatre dernières années.»

Ces derniers mois, Washington a également semblé pencher en faveur du sortant.

«Il sait très bien qu'il n'est pas certain de devenir premier ministre, mais il tend la main vers les autres», a récemment confié un diplomate occidental, semblant saluer la volonté de conciliation du premier ministre.

Mais il a ajouté: «Nous souhaitons qu'Iyad Allawi joue un rôle important. C'est quelqu'un de très compétent, et ce genre de personnes est rare.»

«Il y a des gens qui ont des souvenirs positifs de son mandat (de premier ministre), mais ces mêmes personnes ont du mal à imaginer que ce scénario» se répète, a-t-il ajouté.