Le secrétaire américain à la Défense Robert Gates était jeudi en Afghanistan, une visite marquée par des tensions avec le président Hamid Karzaï, qui a accusé l'Otan d'avoir commis une nouvelle bavure et dénoncé les accusations de corruption contre son entourage.

Quelques heures après l'arrivée de M. Gates à Kaboul, pour une visite qui s'achèvera vendredi, le président Karzaï a «fermement condamné» un bombardement de l'Otan qui a, selon lui, frappé le convoi d'un candidat en campagne pour les élections législatives dans le nord du pays.

«Dix personnes ont été tuées et trois blessées. Nous avons lancé une enquête et nous partagerons ces informations avec nos alliés et l'Otan», a-t-il déclaré au cours d'une conférence de presse commune aux côtés de M. Gates.

M. Karzaï, arrivé au pouvoir à la fin 2001 avec le soutien des États-Unis,  s'était montré moins diplomatique dans la journée, soulignant que «les bombardements aériens sur des villages afghans n'apporteraient rien d'autre à la guerre contre le terrorisme que le meurtre de civils afghans».

Le chef du Pentagone lui a opposé la version de l'Otan, qui affirme avoir bombardé un convoi transportant un responsable du Mouvement islamique d'Ouzbébistan (IMU), un groupe rebelle islamiste basé dans ce pays et allié à Al-Qaïda. «C'est la première fois que j'entends parler de victimes civiles et nous allons étudier cela», a toutefois ajouté M. Gates.

Les forces internationales, et notamment américaines, sont régulièrement accusées par M. Karzaï de tuer des civils lors de leurs opérations, ce qu'elles reconnaissent parfois après enquêtes. Ces bavures nourrissent un fort ressentiment de la population à leur égard.

La visite de M. Gates intervient au moment où Washington, qui fournit les deux tiers des quelque 150 000 soldats étrangers déployés dans le pays, essuie ses plus lourdes pertes en neuf années de guerre contre les talibans, qui ont étendu leur influence à la quasi-totalité du pays depuis trois ans.

Le président afghan a également profité de la visite de M. Gates pour se défendre vigoureusement contre les accusations de corruption dont lui et son entourage font l'objet à Washington.

Il s'est notamment exprimé sur le cas d'un de ses proches, Mohammed Zia Salehi. Arrêté en juillet par la police afghane, ce haut responsable du Conseil national de sécurité du gouvernement avait été rapidement libéré à la suite d'une intervention de M. Karzaï.

La police avait affirmé avoir enregistré une conversation téléphonique où il sollicitait de l'argent pour mettre fin à une enquête américaine sur une société soupçonnée de fournir de l'argent à des hommes politiques, des trafiquants de drogue et des rebelles.

«J'ai demandé qu'on le relâche car son arrestation était illégale», a affirmé M. Karzaï, en dénonçant de «graves violations des droits de l'homme» au moment de son interpellation.

Il a enfoncé le clou en estimant que les deux unités chargées de lutter contre la corruption en Afghanistan, qui opèrent sous contrôle américain, «ne respectent pas les lois afghanes», et s'en est pris à la presse américaine, qui a largement relaté l'affaire Salehi ces dernières semaines.

Le New York Times avait notamment affirmé que M. Karzaï avait fait libérer M. Salehi par crainte de le voir révéler des affaires touchant le gouvernement.

M. Gates a semblé vouloir ménager son hôte en affirmant que «la lutte anti-corruption devait être menée par les Afghans», tout comme le général américain David Petraeus, commandant en chef des forces internationales en Afghanistan, qui a affirmé devant quelques journalistes que s'«il y avait eu des frictions» après l'arrestation de M. Salehi, «ces problèmes étaient résolus».

M. Karzaï a enfin réaffirmé son intention d'interdire les compagnies de sécurité privées sur le sol afghan, jugées indispensables par les Occidentaux  au fonctionnement de leurs forces militaires, ambassades et autres entreprises installées dans le pays.