La première centrale nucléaire iranienne, qui s'ouvre samedi près du port de Bouchehr, ne présente pas de risque majeur de prolifération atomique, selon des experts à Vienne, malgré les inquiétudes internationales persistantes sur la nature du programme nucléaire de Téhéran.

Cette centrale, construite avec l'aide de la Russie, sera utilisée uniquement à des fins civiles et cela est «garanti à 100%», a déclaré vendredi le vice-ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Riabkov à Moscou.

Selon lui, le fait que la Russie ait délivré le combustible pour la centrale (...) montre que toutes les règles de non-prolifération sont appliquées à la centrale.

Moscou a obtenu de l'ONU que Bouchehr échappe à l'embargo international contre tout transfert d'équipements ou technologies nucléaires vers l'Iran, en s'engageant à fournir le combustible nécessaire à la centrale.

Les pays occidentaux, en particulier les États-Unis, sont persuadés depuis des années que la république islamique cherche à se doter de l'arme nucléaire sous couvert de son programme atomique civile, ce que Téhéran a toujours nié. Et certains observateurs craignent que le combustible utilisé à Bouchehr puisse être détourné pour servir à la fabrication d'une bombe atomique.

Toutefois, selon des experts du dossier interrogés vendredi, les autres activités nucléaires de l'Iran comme l'enrichissement de l'uranium malgré quatre séries de sanctions décrétées par le Conseil de Sécurité de l'Onu, présentent bien plus de risques de prolifération.

Selon Mark Fitzpatrick, expert de l'International Institute for Strategic Studies à Londres, «la centrale représenterait un risque si l'Iran s'en servait pour d'autres fins», par exemple pour fabriquer du plutonium susceptible d'entrer dans la production d'armement nucléaire. «Mais dans ce cas précis l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) le saurait», a-t-il ajouté.

Des inspecteurs de l'AIEA, qui surveillent déjà les activités nucléaires déclarées du régime islamique, seront présents sur le terrain pour assister à l'introduction du combustible dans le réacteur. De plus, la centrale est placée sous le régime de sauvegardes de l'AIEA, ce qui signifie que ses inspecteurs surveilleront de près la phase de mise en place de la production d'énergie.

Ils s'assureront aussi que tout le combustible utilisé à Bouchehr sera bien acheminé vers la Russie et non réutilisé par l'Iran.

Ainsi on le saurait «si l'Iran tentait de détourner le combustible utilisé pour le transformer en plutonium ou de se servir du combustible d'origine pour le ré-enrichir à des niveaux plus élevés», selon M. Fitzpatrick.

Il a relevé, en revanche, que la multiplication des déclarations sur les dangers de Bouchehr «risquent de détourner l'attention des véritables risques de prolifération présentés par les centres d'enrichissement iraniens et le réacteur de recherche d'Arak, susceptible, lui, de servir à la production de plutonium».

«L'énergie nucléaire ne pose pas de problème, contrairement aux technologies nucléaires sensibles qui peuvent être utilisées comme des armes», a-t-il averti.

Pour Mark Hibbs, du centre de recherches Carnegie Endowment «théoriquement chaque réacteur nucléaire est une menace de prolifération dans le sens où le combustible utilisé peut être détourné et réutilisé pour en faire du plutonium pour des bombes.»

Mais lors du dernier demi-siècle «aucun proliférateur n'a détourné du combustible d'une centrale nucléaire sous surveillance de l'AIEA pour faire des bombes à la va-vite», selon lui.