Les Américains prendront sous trois mois la relève des Britanniques à Sangin, bastion taliban et zone de combats meurtriers au coeur de la province afghane du Helmand, a annoncé mercredi Londres en évoquant un redéploiement et non un repli et a fortiori une défaite.

Le ministre de la Défense Lian Fox a expliqué devant la chambre des Communes par des considérations opérationnelles le transfert aux marines américains de la responsabilité des opérations dans la région stratégique du sud afghan, non sans avoir préalablement souligné «les progrès considérables accomplis» à Sangin par les soldats de sa Majesté, au prix de lourds sacrifices.

Il a déclaré avec force détails aux députés que deux brigades américaines assureraient à l'horizon d'octobre la sécurité des flancs nord et sud du Helmand, tandis qu'une brigade commandée par les Britanniques et comprenant des Danois et des Estoniens se chargerait de la zone centrale, limitée en superficie, mais plus densément peuplée.

Ces redéploiements résultent d'«intenses consultations» au sein de l'Isaf, la force internationale qui compte environ 140 000 hommes dont 9 500 Britanniques, a-t-il dit.

«Au total, le Helmand est aujourd'hui un endroit plus sûr», et nombre de régions, dont celle de la capitale Kaboul, sont «largement sécurisées». Qui plus est, de «réels progrès» ont été réalisés en matière d'entraînement et de recrutement des forces locales, a affirmé M. Fox.

À Sangin et dans ses environs -où un millier de fusiliers marins britanniques occupent le terrain-, l'effort de guerre s'est traduit par un lourd bilan humain. C'est là qu'ont été tués près du tiers des 312 soldats de sa Majesté tombés en Afghanistan depuis 2001.

Une défaite stratégique

Une autre statistique illustre la réalité de l'engagement des Britanniques en première ligne. Ils représentent 7% des forces de l'Isaf et totalisent 19% des pertes.

Les talibans se sont félicités de l'annonce de Londres en estimant qu'elle sonnait «le début de la défaite pour les forces britanniques en Afghanistan». «Nous battrons les Américains également ici», a déclaré Yousuf Ahmadi, un porte-parole des talibans.

Le ministère britannique de la Défense avait préparé les esprits à la nouvelle du départ de Sangin en briefant les journalistes en début de semaine.

C'est que les ministres et commandants militaires redoutent que l'annonce ne soit perçue comme «une retraite ou une humiliation», écrivait mercredi le quotidien conservateur Daily Telegraph.

Malgré ces efforts, un officier supérieur affirmait sous couvert de l'anonymat dans le Guardian : «Sangin est une défaite stratégique. Nous n'avons pas obtenu l'effet escompté là-bas».

Et un porte-parole de la coalition «Stop the war» évoquait quant à lui mercredi «l'admission tacite d'un échec».

Les experts militaires pour leur part redoutent un bégaiement de l'histoire. C'est que le district, proche du Pakistan et riche en opium qui finance la résistance, a été le théâtre de sanglantes batailles et de cuisantes défaites au cours des trois guerres anglo-afghanes qui se sont succédées, entre 1839 et 1919.

Le premier ministre David Cameron a reconnu le danger, en insistant mercredi sur la nécessité de faire face à «la guerre sur le terrain» aussi bien qu'à «la guerre de propagande».

Il s'emploie depuis son arrivée au pouvoir en mai à renforcer le soutien, actuellement défaillant, de l'opinion publique à l'engagement britannique en Afghanistan. Tout en veillant a fournir un calendrier approximatif de retrait.

«Laissez-moi vous dire ceci clairement. Est-ce que je pense que nous devrions être là-bas, dans un rôle de combat ou en nombre significatif dans cinq ans ? La réponse est non», a-t-il martelé mercredi au parlement.