En prenant la tête des forces internationales en Afghanistan, le général David Petraeus va devoir s'atteler à des défis de taille: conduire l'offensive dans le sud, convaincre les Afghans de sa bonne volonté, mais aussi gérer les relations avec un président Hamid Karzaï dont l'étoile ne cesse de pâlir en Occident.

La personnalité du chef de l'État, et la question de sa «fiabilité» comme partenaire dans la guerre contre les talibans, font de plus en plus débat.

En cause, ses relations, parfois difficiles, avec Washington, ainsi que sa politique de la main tendue aux talibans et au voisin pakistanais, doublées d'une inaction coupable en matière de lutte contre la corruption.

C'est dans ce contexte, que le secrétaire américain à la Défense Robert Gates refuse d'appeler «bourbier» malgré une opinion publique de plus en plus hostile, que le général Petraeus est arrivé vendredi à Kaboul.

Lors de sa première apparition publique samedi, il a appelé à «l'union des efforts» pour lutter contre l'insurrection. «Civils et militaires, Afghans et étrangers, nous faisons partie d'une même équipe avec une seule mission», a-t-il dit, soulignant que la coopération n'était «pas une option».

«Tout le monde sait que Karzaï poursuit un agenda personnel, notamment dans ses négociations avec le Pakistan et avec les talibans», estime le politologue afghan Haroun Mir. «Si les États-Unis restent passifs, cela pourrait porter préjudice à Washington», ajoute-t-il.

Après la révocation du général Stanley McChrystal pour des propos irrévérencieux à l'endroit de l'administration de M. Obama, le général Petraeus arrive au pire moment en Afghanistan.

Renforcées par 30 000 soldats supplémentaires, les troupes internationales ont lancé en février une vaste offensive à Marjah, un bastion taliban dans le sud.

L'opération a été qualifiée de «fiasco» par une partie de la presse américaine. Et les talibans reviennent aujourd'hui à Marjah malgré les moyens militaires et l'argent engagés.

L'OTAN est également lancée dans une vaste offensive à Kandahar, le berceau des talibans, mais son commandement a été obligé de différer le gros de l'opération de plusieurs semaines.

Parallèlement, les pertes des forces internationales atteignent un niveau inégalé depuis le début de la guerre, avec 102 soldats tués en juin. Ces pertes sont comparables à celles des forces étrangères prises dans le bourbier irakien aux pires heures du conflit en 2007.

Le général Petraeus a cherché mardi à rassurer sur le cours de la guerre, tout en admettant s'attendre à «de rudes combats» dans les prochains mois.

Il a également promis aux troupes de l'OTAN de revoir les règles d'engagement des soutiens aériens en cas d'attaque d'une unité au sol, que son prédécesseur avait rendues plus strictes pour épargner les civils. Des soldats s'étaient plaints d'être de facto plus vulnérables.

«Nous observons des progrès dans certains domaines au beau milieu du difficile combat en cours en Afghanistan», a déclaré récemment le général Petraeus.

Des observateurs estiment qu'il est toutefois plus apte que son prédécesseur à gérer les aspects politiques de la guerre.

«McChrystal était trop proche de Karzaï et ne pouvait pas le critiquer, même quand c'était nécessaire», estime Haroun Mir. «Petraeus sera plus agressif pour convaincre Karzaï qu'avancer tout seul ne marchera pas».

Le général McChrystal s'est fait apprécier des Afghans, notamment du président, en réussissant à faire diminuer les pertes civiles causées par les forces internationales.

«C'est là-dessus que les Afghans évalueront Petraeus», estime un diplomate occidental en poste à Kaboul.