La pénurie d'électricité a provoqué l'émergence d'un marché parallèle en Irak, où ceux qui ont des générateurs commercialisent parfois leur courant quatre fois plus cher que le prix légal, tandis que d'autres font leurs bénéfices sur des connexions sauvages au réseau public.

L'écrasante majorité des Irakiens n'a d'autre choix que de recourir à cette économie sans règles dans un pays où le mercure peut atteindre les 54 degrés Celsius.

«Ils nous contrôlent et nous exploitent», dénonce Sarmad Mohamed, 35 ans, qui a récemment payé 26 000 dinars (22 dollars) par ampère, alors que la limite légale dans son quartier est théoriquement de 7000 dinars.

«Je n'ai personne à qui me plaindre. C'est scandaleux», ajoute ce commerçant qui vit dans le quartier relativement aisé de la rue de Palestine, dans l'est de la capitale.

«Mes enfants supportent très mal les températures élevées», a-t-il expliqué.

Or, pas d'air conditionné et la maison est un four. Et pas de réfrigérateur et il faut sans cesse aller s'approvisionner à l'extérieur en nourriture.

La production quotidienne d'électricité en Irak est de l'ordre de 8000 mégawatts, mais la demande, en période de forte chaleur, dépasse les 14 000 mégawatts. D'où la politique de rationnement, théoriquement «organisé».

Dans les faits, l'anarchie règne d'une province à l'autre, et même d'un quartier à l'autre. Il y a quelques semaines, les Irakiens recevaient entre deux et six heures d'électricité par jour, jamais à la même heure.

Si la sécurité est toujours présentée par les hommes politiques irakiens comme le principal problème, sept ans après la chute de l'ex-président Saddam Hussein, l'électricité devient la première préoccupation des Irakiens au quotidien.

Des milliers d'entre eux ont manifesté le mois dernier lors de rassemblements contre la pénurie qui ont parfois dégénéré, au point que le gouvernement en vienne à restreindre la liberté de manifestation.

Après ces émeutes, qui ont coûté son poste au ministre de l'Électricité, certains Irakiens ont noté une hausse de l'approvisionnement en courant.

Reste que la pénurie a fait le lit de bandes organisées qui piratent le réseau national, dans une spirale infernale pour l'offre publique.

À en croire Ali Adnane, 33 ans, qui habite le quartier relativement riche de Zayouna, dans le centre de Bagdad, le marché noir est en plein essor.

«Le propriétaire du générateur nous revend très cher du courant puisé sur le réseau public», a-t-il dit. «Nous le savons mais que pouvons-nous faire?»

Et cette illégalité autorise toutes les escroqueries.

«Mon fournisseur d'électricité n'arrêtait pas de m'arnaquer, alors j'ai dû me payer mon propre générateur», indique un commerçant de Karrada, dans le centre de Bagdad, qui veut rester anonyme.

«Il affirmait en permanence que j'utilisais plus de courant que ce que nous avions convenu», affirme-t-il.

L'ambassadeur des États-Unis en Irak, Christopher Hill, a estimé mardi que le gouvernement irakien devait agir rapidement pour calmer la colère de la population.

«La production d'électricité a augmenté de 55% depuis 2003», a-t-il indiqué à des journalistes. Mais dans le même temps, «la demande a grimpé de 75%».

À la suite des manifestations, le gouvernement a ordonné une hausse de la production d'électricité et annoncé une campagne de lutte contre les branchements sauvages et des mesures d'économie dans les bâtiments officiels.

Mais le premier ministre Nouri al-Maliki a averti que le problème ne pourrait être totalement résolu avant l'entrée en service de deux nouvelles centrales dans deux ans.