À Kirkuk, dans le Kurdistan irakien, c'est autant le pétrole que le pouvoir qu'on a du mal à partager. Une véritable guerre psychologique oppose Kurdes, Turkmènes et Arabes.

Dans cette ville pétrolière de 1,2 million d'habitants, certains puits de pétrole des années 30 continuent à cracher de l'or noir avec tant de pression qu'il n'est pas même besoin de le pomper. Depuis 10 ans, la population y a explosé. «Surtout côté kurde» accuse la communauté turkmène, persuadée que l'arrivée de ces nouveaux venus résulte d'une stratégie des autorités kurdes pour s'approprier Kirkuk.

 

Le quartier de la «rue de Bagdad» est plutôt peuplé de Turkmènes mais, à mesure que l'on avance vers le centre, leurs petits drapeaux bleu ciel sont remplacés par les couleurs kurdes, qui dominent même le paysage à Chorja, gigantesque quartier résidentiel qui s'étale jusqu'aux faubourgs le long des axes routiers du Nord vers Erbil et Souleymanié, les deux plus grandes villes kurdes irakiennes.

«Notre seul souci, c'est la «kurdisation» effrénée», soupire Ali Mehdi, 45 ans, membre du conseil municipal depuis la chute de Saddam Hussein et candidat malheureux au Parlement le 7 mars.

«Ces dernières années, je n'ai cessé d'assister à l'appropriation illégale des terres par les Kurdes, qui arrivent en masse et construisent sans papiers. Les propriétaires ne peuvent rien revendiquer: le gouverneur, un Kurde, est en poste depuis sept ans; les Américains refusent de s'en mêler. Quant au gouvernement central de Bagdad, il est faible, voire inexistant.»

Même divisée, la communauté turkmène reste unie sur la question de Kirkuk: pour rien au monde la ville ne doit être cédée aux potentiels nouveaux maîtres des lieux, qui, ils en sont convaincus, en profiteront alors pour faire sécession.

Le tout dans l'indifférence générale de la communauté internationale, perplexe devant un tel casse-tête. Ce sera au nouvel homme fort de l'Irak de trancher mais, parmi les Turkmènes, personne ne doute que les Arabes, aux commandes à Bagdad, n'ont aucune intention d'abandonner la première source de devises du pays.