Renseignement approximatif, exécution inepte, gestion politique hasardeuse: les analystes israéliens pointaient mardi un échec sur toute la ligne lors du raid sanglant contre la flottille pour Gaza, reprochant au gouvernement d'avoir sauté à pieds joints dans un «piège».

Les critiques les plus incisives visaient l'apparente inconséquence du gouvernement qui, après avoir diabolisé pendant des semaines les militants de la flottille, justifie le lourd bilan humain par la férocité de leur riposte à l'assaut du ferry turc Mavi Marmara.

«Les ministres impliqués dans la décision ont dit hier (lundi) qu'ils n'avaient jamais envisagé qu'il y aurait des tués. Apparemment, ils pensaient que les musulmans qui diffusent continuellement la haine d'Israël et des juifs sur le site turc Livestream.com allaient accueillir les soldats avec du café et des baklavas (pâtisseries orientales)», raille Ben Caspit, éditorialiste du quotidien Maariv.

Le Jerusalem Post (anglophone, droite) se demande lui aussi «pourquoi l'armée israélienne a autant sous-estimé l'hostilité de ceux qu'elle avait elle-même qualifiés de terroristes».

«La préparation n'était pas totalement adéquate parce que les troupes qui ont mené l'abordage ne savaient pas à quoi s'attendre», estime Ephraïm Kam, directeur adjoint de l'Institut d'études de sécurité nationale (INSS) de l'Université de Tel-Aviv.

«La principale leçon, c'est qu'ils n'auraient pas dû tabler sur le fait que tout se passerait facilement mais se préparer au pire scénario», a déclaré à l'AFP M. Kam, ancien officier du renseignement militaire.

«L'armée israélienne avait tout le temps qu'elle voulait pour se préparer à l'arrivée de la flottille. La communauté du renseignement avait tout le temps nécessaire pour suivre les plans des protestataires», écrit Amos Harel, spécialiste des questions de défense au quotidien Haaretz (gauche).

«Et pourtant, il ressort clairement des témoignages des membres du commando hier (lundi) qu'ils ne s'attendaient pas à ce qu'ils ont trouvé sur le pont. L'armée israélienne a sous-estimé la résistance des militants, et peut-être leur nombre», déplore-t-il.

«En outre, il manquait à la force d'abordage l'effet de surprise, puisque les activistes savaient qu'un assaut était imminent», souligne Amos Harel, en remarquant que les effectifs déployés au début de l'opération n'atteignaient pas la «masse critique» requise pour s'emparer rapidement du Mavi Marmara.

Editorialiste du Yediot Aharonot, le plus grand journal israélien, Nahum Barnea s'interroge sur l'opportunité d'une opération de sabotage des bateaux avant qu'ils ne puissent se rassembler, comme Israël en a conduit avec succès par le passé, ce qui aurait permis d'éviter ce raid périlleux.

Il dénonce également «un renseignement erroné qui a conduit à une planification erronée».

«La première règle dans une confrontation avec des émeutiers est de créer une force massive», indique Nahum Barnea. «Or, un haut responsable militaire israélien a noté que la masse critique n'avait pas été atteinte à la fois à cause de la sous-estimation de la motivation des émeutiers et de problèmes opérationnels».

«Résultat: les commandos de marine se sont heurtés à un groupe d'un nombre équivalent, entre 20 et 30, armés de bâtons et de barres de fer», relève-t-il.

Ben Caspit, du Maariv, dresse un verdict cinglant: «La dissuasion israélienne a subi un rude coup», ajoutant: «Et tout cela s'est passé dans les eaux internationales, transformant Israël en État pirate».

Quant à Amos Harel, du Haaretz, il relève que «si le but d'Israël était de « contenir » la flottille et de l'empêcher de déclencher une crise majeure, nous avons totalement échoué, et ce n'est en rien la faute des soldats».