Réunion d'urgence du Conseil de sécurité. Manifestations à Istanbul et à Beyrouth, autant qu'à Ottawa, Paris et Londres. Demande d'enquête des Nations unies. Un raid armé qui a fait au moins neuf morts, mené par l'armée israélienne contre une flottille humanitaire, a provoqué hier une crise internationale. Et Israël plaide la légitime défense.

Il était 4h du matin, hier, quand des membres de commandos armés, transportés par des hélicoptères des forces armées israéliennes, ont pris d'assaut le navire turc Mavi Marmara à bord duquel se trouvaient plus de 500 personnes membres de la mission «Flottille pour la liberté».

 

Au moment de l'arraisonnement, le Mavi Marmara et cinq autres navires qui l'accompagnaient voguaient dans les eaux internationales, à quelque 60 km des côtes de la bande de Gaza.

Au cours de la dernière semaine, les autorités israéliennes avaient à maintes reprises répété qu'elles ne permettraient pas à la flottille de transgresser le blocus. Faisant fi des menaces, la flottille, qui avait à son bord des représentants d'une cinquantaine de pays, dont au moins un Canadien, Kevin Neish, quinquagénaire de la Colombie-Britannique, a néanmoins quitté Chypre pour Gaza dimanche soir, avec à son bord 10 000 tonnes de denrées humanitaires.

Attaque meurtrière

La confusion règne sur les événements qui ont suivi l'arrivée des troupes israéliennes à bord du Mavi Marmara. Le mouvement Free Gaza (Libérez Gaza), qui coordonnait la mission humanitaire, avance que les soldats israéliens ont ouvert le feu sur les civils «au moment où leurs pieds ont touché le pont. Ils ont tiré sur des civils qui dormaient», peut-on lire dans un communiqué de presse de l'organisation.

L'armée israélienne, pour sa part, prétend que ses troupes n'ont ouvert le feu qu'après avoir été attaquées par des passagers, «armés de fusils, de barres de fer, de roches et de couteaux».

Avant de quitter à la hâte Ottawa, où il était en visite officielle depuis dimanche, le premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou a dit «regretter» les pertes de vies sur le navire, mais a plaidé la légitime défense d'Israël.

Cette version a été mise en doute par un journaliste d'Al-Jazira qui était en ondes en direct du pont du Mavi Marmara au moment de l'arraisonnement. Avant que les communications ne soient coupées par les autorités israéliennes, il a affirmé avoir vu des passagers brandir le drapeau blanc lors de l'arrivée des soldats.

Bilan révisé

Les forces armées israéliennes ont confirmé hier qu'au moins neuf passagers avaient péri lors de l'opération, alors que les premiers rapports faisaient état de dix-neuf morts. Plus d'une dizaine de participants à la mission humanitaire et au moins quatre soldats auraient aussi été blessés, toujours selon Israël.

Après l'arraisonnement, trois des six navires de la flottille ont été escortés au port d'Ashdod. Plus de 80 passagers auraient été appréhendés, dont l'auteur suédois à succès Henning Mankell. Israël affirme avoir offert à ceux qui le désiraient un billet de retour vers leur pays d'origine. «Les autres vont aller en prison», selon la police de l'immigration. Des «centaines d'autres» arrestations étaient attendues dans la nuit.

Défendant son intervention armée en eaux internationales hier, Israël a affirmé que la flottille qui a été prise d'assaut n'en était pas une de paix, mais plutôt une de provocation. «C'est une armada de haine et de violence en soutien au Hamas et qui a fait un acte de provocation clair et prémédité», a dit hier le sous-ministre israélien des Affaires étrangères aux médias, accusant les organisateurs de la mission d'entretenir des liens avec le djihad et Al-Qaeda.

«Terrorisme d'État»

En Turquie, pays d'origine de la majorité des passagers du Mavi Marmara, le premier ministre Recep Tayyip Erdogan a accusé Israël d'avoir commis un acte de «terrorisme d'État» et a annoncé le retrait de l'ambassadeur turc d'Israël. Le gouvernement turc a aussi affirmé avoir enquêté sur la flottille avant son départ et n'avoir ni trouvé de lien avec des organisations terroristes ni déniché d'armes à bord.

Les critiques ont aussi fusé au sein du leadership palestinien. Si le président Mahmoud Abbas y a vu «un massacre», le chef du Hamas, Ismail Haniya, a dénoncé la «barbarie d'Israël» et demandé aux musulmans de partout dans le monde de manifester.

Mais avant même qu'il ait lancé cet appel hier, des mécontents prenaient d'assaut les rues de grandes villes en Turquie, au Liban et en Syrie. Idem à Paris, à Londres ainsi qu'à Ottawa et à Montréal.

Membre de la Coalition pour la justice et la paix en Palestine, la Montréalaise Lorraine Guay ne pouvait cacher son indignation hier avant de prendre un autocar pour la capitale fédérale. «Qu'est-ce qu'on attend pour mettre fin à l'impunité d'Israël? Que Stephen Harper reçoive Nétanyahou alors que tout ça se déroule est une honte pour le Canada!» a tonné la militante.

Appel à l'enquête

L'affaire du Mavi Marmara a fait des vagues jusqu'aux Nations unies hier. Faisant front commun contre les États-Unis, allié historique d'Israël, nombre de pays siégeant au Conseil ont demandé une condamnation claire d'Israël.

Pour sa part, le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, a notamment demandé la tenue d'une enquête internationale sur les événements d'hier. Dans un entretien avec Nétanyahou au téléphone hier, le président Barack Obama a aussi demandé que la lumière soit faite.

Avec l'AFP, AP, BBC, The Guardian, Jerusalem Post, Al-Jazira

 

L'OPÉRATION EN DÉTAIL

LA FLOTTILLE

6 bateaux : le navire amiral turc Mavi Marmara, 2 cargos, 3 navires plus petits.

LES PASSAGERS

700, dont la moitié d'origine turque. Membres d'ONG internationales, députés européens, personnalités politiques et religieuses, écrivains et journalistes.

LA CARGAISON

10 000 tonnes d'aide humanitaire. Médicaments, nourriture, vêtements, effets scolaires, matériel de construction.

A 30 MAI

La flottille de six navires quitte Chypre.

B 31 MAI

(vers 4h du matin, heure locale)

Des commandos de marine israéliens interceptent le cargo Mavi Marmara, où ont lieu des affrontements meurtriers.

C 31 MAI

(après l'assaut)

La flottille est acheminée à Ashdod.