Le lynchage au Liban d'un homme soupçonné du meurtre d'un couple âgé et de deux enfants par une foule déchaînée qui l'a tué avec une violence extrême sous les yeux des policiers a soulevé une vague de condamnations dans le pays.

Mohammad Moslem, un Egyptien de 38 ans, a été tué jeudi alors qu'il arrivait sur les lieux de la reconstitution du crime à Ketermaya.

Des centaines de personnes ont traîné le suspect hors de la voiture de police qui l'avait transporté sur place, selon des images vidéo diffusées par les télévisions locales.

Ils l'ont ensuite dénudé, ne lui laissant que son slip et ses chaussettes, puis se sont acharnés sur lui, le poignardant et le frappant à mort, en présence de policiers impuissants.

Des images crues montrent également comment la foule a ensuite pendu son corps sanguinolent à un poteau électrique à l'aide d'une corde et d'un crochet de boucher, pendant près d'une demi-heure, au milieu des acclamations et des youyous des femmes.

Beaucoup de badauds prenaient des photos avec leurs téléphones portables.

«Le temps de la barbarie», titrait vendredi le quotidien francophone L'Orient-le Jour.

«Quel que soit le sentiment des villageois, rien au monde (...) ne justifie cette réaction collective», a déclaré le ministre de la Justice Ibrahim Najjar, estimant que «ces images ternissaient l'image du Liban».

«Nous avons les noms d'au moins dix personnes ayant participé à ce crime horrible. La justice doit maintenant faire son devoir», a-t-il ajouté.

Selon lui, le lynchage qui s'est déroulé sur la place publique de la localité, «n'était pas moins dangereux (pour la société) que le meurtre» du couple âgé et de leurs deux petites-filles, âgées de sept et neuf ans, tous retrouvés poignardés à leur domicile mercredi. «Aucun État de droit ne peut accepter cela», a-t-il ajouté.

L'Égyptien était déjà recherché pour le viol d'une fille de 13 ans dans cette même localité, selon un responsable des services de sécurité qui a requis l'anonymat.

Mercredi, «il s'est rendu chez Youssef Abou Merhi (75 ans) pour lui demander d'intervenir auprès de la famille de la fille en vue de l'épouser», a indiqué cette source à l'AFP.

Selon la loi libanaise, les poursuites contre un violeur cessent si ce dernier épouse sa victime.

«Le septuagénaire a refusé, ce qui a poussé Mohammad Moslem à le poignarder à mort, avant de tuer également son épouse Kawthar (70 ans) et leurs deux petites-filles», a précisé le responsable. L'Egyptien a été arrêté quelques heures après son crime.

Les tests ADN ont prouvé vendredi que le sang sur la chemise du meurtrier présumé et sur le couteau retrouvé chez lui correspondait bien à celui de deux victimes.

«Cet acte barbare et sans précédent n'est possible que dans des pays régis par la loi de la jungle», a commenté le quotidien Al-Akhbar.

«La foule a tué Mohammad Moslem et avec lui la justice, en pensant que justice est faite», poursuit le journal.

Le chef des Forces de sécurité intérieure, Achraf Rifi, a pris des mesures disciplinaires  à l'encontre d'officiers en raison de «leur mauvaise évaluation» de la situation sur le terrain.

«Imaginez qu'un autre crime se produise dans un autre village, les habitants vont-ils à nouveau rendre justice eux-mêmes?», s'interroge le responsable de sécurité. «C'est inacceptable».