Sous le choc du décès de la petite Elham, morte à 13 ans, après avoir été violée par l'homme qu'elle venait d'épouser, le village yéménite d'Al-Echa réclame justice.

«Je demande que justice soit faite. Le meurtrier doit être exécuté», affirme Nejma Al-Achi, la mère de la fillette, qui reçoit les journalistes dans sa hutte dans ce village de la province de Hajja, à 220 km au nord-ouest de Sanaa.

La fillette, qui avait célébré ses noces le 29 mars avec Abed al-Hekmi, 24 ans, est décédée le 2 avril d'une hémorragie due à des violences sexuelles.

Selon des membres de la famille et du personnel du dispensaire proche, son époux n'avait pas pu la pénétrer et s'était ensuite acharné sur Elham pour prouver à sa famille, comme le veut la tradition, qu'il avait accompli son devoir conjugual.

«Son mari et sa famille l'ont ligotée et l'ont tuée», accuse Abdallah, le frère de la victime.

Le mariage des fillettes dès l'âge de 11 ans est courant au Yémen, notamment dans des villages reculés comme Al-Echa où pratiquement tous les habitants sont analphabètes.

Conformément aux traditions tribales, la famille d'Elham refuse de récupérer le corps avant que justice soit faite, comme l'affirme Yahya, un autre de ses frères. Les villageois, tous solidaires, réclament la peine de mort pour Abed, qui a été arrêté.

«Il a tué cette fillette. Il doit être exécuté», lance Yahya Mohammad, un des habitants.

Les noces avaient été célébrées dans le cadre d'un «mariage d'échange», pratique courante en vertu de laquelle les familles échangent des jeunes filles à marier. La soeur du marié, âgée de 18 ans, a été donnée en mariage au frère d'Elham, Abdallah, également âgé de 24 ans, et les deux couples ont convolé le même jour.

Mais si la nuit de noces s'est bien passée pour l'un des deux couples et que le mariage a été consommé, comme le raconte Abdallah, Imad n'a pas pu faire de même et s'est rendu avec sa nouvelle épouse dès le lendemain au dispensaire.

«La fillette était très timide, elle semblait assez frêle et faible. Elle a refusé de se déshabiller et de se faire examiner», raconte la gynécologue ouzbèque, Zahra Makyayeva.

«Son époux m'a demandé de lui déchirer l'hymen, mais j'ai refusé», dit-elle.

Abed s'est alors rendu à la pharmacie où il a demandé des somnifères. «J'ai refusé de lui en donner car il voulait probablement les administrer à son épouse, il a alors demandé du viagra et je lui en ai donné un de fabrication locale», affirme le pharmacien Ali al-Hadi à l'AFP.

Trois jours plus tard, le couple est revenu au dispensaire, la jeune femme souffrant d'une infection. «Nous lui avons donné un médicament et j'ai demandé au mari de ne pas l'approcher pendant une dizaine de jours, mais nous avons appris sa mort le lendemain», dit le médecin.

Fathia Mohammad Haidar, une infirmière, affirme avoir appris de la soeur du mari qu'il aurait «ligoté Elham, qui refusait de se laisser approcher, avec une bande de tissu» pour la violer.

Autre conséquence du drame, l'épouse du frère d'Elham a été rappelée chez ses parents à l'annonce du décès.

Celui-ci intervient alors qu'un projet de loi fixant l'âge minimum du mariage pour les femmes à 17 ans est examiné au Parlement, islamistes et conservateurs s'opposant à ce qu'il soit assorti de sanctions.

Pour l'avocate Chaza Nasser, volontaire pour défendre la famille, estime que ce drame illustre la nécessité de prendre au plus vite des mesures pour s'opposer au mariage forcé des mineures.

«Nous demandons au Parlement d'adopter la loi en maintenant les peines de prison prévues», affirme l'avocate, qui a déjà défendu Nojoud Mohammad Ali, la fillette qui avait obtenu le divorce après avoir été mariée de force à huit ans.