Les slogans de campagne sont hurlés avec une ferveur qui souligne les divisions entre Arabes, Kurdes et Turkmènes. Pour les trois grandes communautés qui coexistent tant bien que mal à Kirkouk, dans le nord de l'Irak, les élections législatives de dimanche sont une chance de prouver que la ville leur appartient.

Les élections de dimanche, les premières à Kirkouk depuis cinq ans, constituent un test, dans une région où le pétrole cause des frictions avec le gouvernement central de Bagdad. Pour le commandement américain, les tensions entre Kurdes et Arabes, constituent une des principales menaces pesant sur la stabilité de l'Irak. Les relations entre communautés sont si litigieuses que le scrutin national a été retardé de deux mois, le temps de fixer la répartition des voix.

«La politique et le sort de l'Irak sont suspendus à celui de Kirkouk», commente Jala Nefitchi, un candidat turkmène. «Il y a plusieurs communautés à Kirkouk, et chacune veut montrer que l'identité de Kirkouk lui appartient», résume-t-il.

Sous Saddam Hussein, les Kurdes y étaient chassés et les Arabes favorisés, pour renforcer le contrôle de la ville et des puits de pétrole situés aux alentours. Depuis l'invasion américaine en 2003, les Kurdes ont afflué à Kirkouk, dont ils demandent le rattachement à leur région autonome du Kurdistan, plus au nord. L'enjeu des élections est pour eux l'organisation d'un référendum, conformément à la Constitution, sur l'avenir de Kirkouk. Les Arabes et leurs alliés turkmènes y sont opposés.

Le gouvernement central de Bagdad, de son côté, se montre réticent à accorder davantage d'autorité aux Kurdes, de peur d'encourager des velléités sécessionnistes dans cette région riche en pétrole. La question du partage des recettes de l'or noir n'est d'ailleurs toujours pas réglée dans le pays. Les autorités affirment que la douzaine d'accords signés par les Kurdes avec des groupes pétroliers étrangers sont illégaux car Bagdad n'a pas donné son feu vert.

Dans les rues de Kirkouk, la campagne électorale est animée. Des jeunes gens circulent en voiture, agitant des drapeaux et hurlant des slogans électoraux. La moindre surface disponible a été recouverte d'affiches, qui montrent le plus souvent les candidats posant près d'un des symboles de la ville, la «flamme éternelle» des puits de pétrole.

Nombre de candidats arabes et turkmènes se sont plaints de «provocations» des Kurdes, notamment le fait d'arborer le drapeau du Kurdistan. Mais les tensions sont également palpables au sein de la communauté kurde.

Les deux formations traditionnellement dominantes, l'Union patriotique du Kurdistan (UPK) de Jalal Talabani et le Parti démocratique du Kurdistan (PDK) du président de la région autonome Massoud Barzani, doivent désormais compter avec un concurrent.

Le nouveau parti d'opposition, Gorran («Changement»), a réalisé une percée inattendue lors des élections de juillet dernier au Kurdistan, fédérant une partie des mécontents. «Les deux principaux partis kurdes n'ont rien fait pour les pauvres», estime un des militants de Gorran, Hama Rachid Mohammed.