Le retour au Caire de Mohamed ElBaradei, ex-chef de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), Prix Nobel de la paix 2005 et candidat possible à la présidentielle de 2011, a dynamisé la scène politique, mais beaucoup se demandent s'il est le «sauveur» que l'Égypte attend.

Accueilli en héros vendredi par plus de 1500 de ses partisans à l'aéroport du Caire, M. ElBaradei, 67 ans, a plusieurs fois appelé à une démocratisation du régime en Égypte depuis son départ de l'AIEA, en 2009. 

Après qu'il eut commencé à se mêler de politique interne, ses partisans ont vu en lui un «sauveur» qui pourrait sortir le pays de sa léthargie politique, alors que les médias gouvernementaux se sont retournés contre lui, l'accusant de ne rien connaître à l'Égypte.

M. ElBaradei, lui, dit se considérer comme un «instrument du changement». «Je suis contre l'idée d'un sauveur, cela n'existe pas», a-t-il déclaré à la chaîne privée Dream.

«Cela m'inquiète vraiment que les gens soient désespérés au point de considérer une seule personne comme leur sauveur. Je voudrais que l'Égypte se sauve par elle-même, a-t-il ajouté. Si les gens veulent changer ce pays, tout le monde doit participer pour montrer sa volonté.»

Les limites du régime

Mais certaines voix, même au sein de l'opposition, ont mis en garde M. ElBaradei contre trop d'optimisme, en particulier concernant son appel à des amendements constitutionnels pour lever les restrictions pesant sur les candidats à la présidentielle.

«Le régime n'accédera jamais à cette demande», a affirmé Mohammed Habib, figure des Frères musulmans, principal groupe d'opposition, dans le quotidien indépendant Al-Masri Al-Yom.

La Constitution telle qu'elle est aujourd'hui rend quasi impossible une candidature de M. ElBaradei: elle impose aux candidats indépendants d'obtenir l'appui de 250 élus, dont au moins 65 membres de l'Assemblée nationale, 25 du Conseil consultatif (Sénat) et au moins 10 élus municipaux.

«Le peuple égyptien cherche un sauveur pour le tirer de cette situation de désespoir et de frustration. Il le trouve peut-être en ElBaradei, mais il doit se rendre compte que le chemin est long et difficile et qu'il requiert du travail», a ajouté M. Habib.

Hosni Moubarak dirige l'Égypte depuis 1981. Le régime a privilégié la stabilité politique mais la corruption est endémique, la pauvreté touche une grande partie de la population et les inégalités sociales sont profondes. Le pays est en outre en état d'urgence depuis près de 28 ans.

M. ElBaradei a trouvé un soutien en Amr Moussa, chef de la Ligue arabe, qui n'avait lui-même pas exclu l'an dernier de se présenter. Selon M. Moussa, «tout le monde veut du changement. Nous sommes inquiets de l'avenir de l'Égypte et c'est notre droit».

Autre appui du Prix Nobel de la paix 2005, l'écrivain Alaa el-Aswany, auteur du célèbre Immeuble Yacoubian. «Des milliers d'Égyptiens se sont rassemblés à l'aéroport pour l'accueillir» en dépit des avertissements des services de sécurité, dit-il.

Ceux qui sont allés à l'aéroport ne sont pas «des politiciens, mais des Égyptiens ordinaires venant de classes sociales diverses, des musulmans, des chrétiens et des femmes, a-t-il ajouté. Pour des millions d'Égyptiens, ElBaradei est devenu le symbole de l'espoir et du changement».