La bataille autour de l'exclusion controversée d'ex-Baassistes des élections s'est aggravée jeudi en Irak après la saisine de la Cour suprême par le président Jalal Talabani et l'organisation de manifestations contre le parti de l'ancien dictateur Saddam Hussein.

M. Talabani a émis des doutes sur la légalité du Comité pour la justice et l'intégrité, à l'origine de l'interdiction d'élection faite à 511 candidats accusés d'être des membres ou des partisans du Baas. Il a annoncé avoir saisi la Cour suprême au moment où des milliers de personnes sont descendues dans les rues des grandes villes chiites pour au contraire soutenir le bannissement de «ceux qui ont les mains couvertes du sang des Irakiens».

«Nous avons demandé dans une lettre officielle au juge Madhat al-Mahmoud (le président de la Cour suprême irakienne) de se prononcer sur la légalité du Comité pour l'intégrité et la justice», a affirmé M. Talabani lors d'une conférence de presse à Bagdad.

«Notre question est: l'instance qui a pris cette décision est-elle légale? Si elle l'est, nous devons faire appel à la loi» pour annuler certaines exclusions de candidats qui ont eu trois jours pour se tourner vers un panel de sept juges.

Des candidats ou encore l'ancien premier ministre Iyad Allawi ont mis en doute la légitimité même du Comité pour l'intégrité et la justice, qui a établi la liste des personnes à rayer des listes électorales.

Ses détracteurs affirment que le Parlement n'a toujours pas voté de loi établissant officiellement cette instance controversée, dirigée notamment par un ancien allié des États-Unis, le chiite Ahmed Chalabi, lui aussi candidat aux législatives du 7 mars.

L'exclusion de candidats sunnites, comme Saleh Motlaq, a provoqué la colère de sa communauté qui s'estime ciblée par cette mesure, ce que le premier ministre Nouri al-Maliki et M. Talabani ont démenti.

«La parti Baas de Saddam tombe sous le coup de l'article 7 de la Constitution (qui interdit son existence) et nous n'accepterons pas que les droits des sunnites soient transgressés», a-t-il insisté.

Interrogé pour savoir si le moment choisi pour exclure les candidats était le bon, il a toutefois indiqué: «J'aurais espéré que cela ne se déroule pas maintenant».

Dans la ville sainte de Kerbala, environ 4.000 personnes, dont des victimes du régime de l'ancien dictateur, ont clamé leur soutien aux exclusions alors que les États-Unis et l'ONU mènent des médiations pour éviter une crise politique bourgeonnante.

«Nous n'acceptons aucune intervention étrangère dans les institutions indépendantes», a affirmé Abdel Amir al-Anbari, un notable participant à la manifestation, en référence aux consultations menées par le vice-président américain Joseph Biden.

Washington, dont les troupes de combats s'apprêtent à quitter l'Irak, craint une répétition du scénario de 2005 lorsque les sunnites avaient boycotté les élections et étaient allés au contraire gonfler les rangs de l'insurrection et d'Al-Qaeda.

À Najaf, des centaines de personnes ont défilé en brandissant des banderoles sur lesquelles était inscrit: «le Baas et les nazis sont les deux faces de la même pièce» ou «Le retour du Baas, c'est le retour des attaques et de la prison».

À Bassora, à l'extrême sud du pays, un millier de personnes ont défilé au cri de «Honte aux baassistes!» portant des banderoles avec les inscriptions: «Non au retour des assassins et des criminels sous de nouveaux noms» et «Baassiste un jour, député le lendemain».