Les chefs militaires américains multiplient les déclarations optimistes sur la situation en Afghanistan, un jugement accueilli avec prudence par certains experts qui estiment prématuré de parler de réelles avancées.

«Je serais curieuse de connaître les critères qu'ils utilisent pour mesurer les progrès accomplis», a déclaré à l'AFP Malou Innocent, experte à l'institut de réflexion Cato.

Le commandant des forces internationales en Afghanistan, le général américain Stanley McChrystal, a assuré qu'une première vague de renforts envoyés l'été dernier avait permis de réaliser des «progrès» ces derniers mois face aux talibans et que «le vent était en train de tourner», dans une interview publiée lundi.

D'autres voix se sont ralliées à cette analyse optimiste, moins de deux mois après la décision du président Barack Obama d'envoyer en Afghanistan 30 000 hommes supplémentaires, pour tenter de venir à bout d'une insurrection montée en puissance ces dernières années.

«Nous avons affronté les talibans et l'insurrection sur leur territoire et nous les avons vaincus», a déclaré à USA Today le général Richard Mills, commandant des milliers de Marines américains mobilisés dans la province du Helmand (sud), un bastion de l'insurrection où la présence militaire a été nettement renforcée.

Des élus républicains du Sénat américain de retour d'un voyage en Afghanistan ont pour leur part estimé mardi que les Etats-Unis et ses alliés étaient en mesure de «gagner en 2010» la lutte contre les talibans.

Ces commentaires interviennent alors que les forces internationales en Afghanistan ont enregistré lundi leurs plus lourdes pertes depuis octobre, avec la mort de trois Américains, de deux Français et d'un Britannique.

Pour certains analystes, il est tout simplement prématuré de crier victoire, alors que la stratégie de contre-insurrection du général McChrystal, centrée sur le dialogue avec la population et la formation des forces de sécurité afghanes, est seulement en place depuis quelques mois.

«Cela ressemble fort à une campagne médiatique coordonnée» faite pour rassurer l'opinion publique, après l'attaque par un agent double jordanien contre une base de la CIA en Afghanistan (le 30 décembre) et l'attentat raté dans un avion le jour de Noël, juge Malo Innocent.

Or, en Afghanistan, «nous n'avons toujours pas un gouvernement capable de fonctionner seul», juge-t-elle.

«Les forces de sécurité afghanes sont corrompues, les chiffres du recrutement sont mauvais et l'armée n'est pas encore capable de se battre sans le soutien de la coalition» internationale en Afghanistan, ajoute l'analyste.

D'autres experts, partisans de l'envoi de renforts en Afghanistan, restent persuadés que les troupes américaines peuvent faire la différence sur le terrain.

«Cela a l'air de bien se passer dans les endroits où nous avons placé un niveau de troupes adéquat, qui reste longtemps sur place», juge Michael O'Hanlon, expert en défense à l'institut de réflexion Brookings.

«Mais je dirais que nous n'avons pas encore repris la main, pour l'instant nous avons seulement empêché l'ennemi de continuer à gagner du terrain», concède-t-il.

Pour Bruce Riedel, autre expert de Brookings, le véritable progrès réside pour l'instant dans l'attention accrue portée par Washington au conflit afghan.

«Cette stratégie ne va pas produire d'effets du jour au lendemain. On ne peut pas transformer le désastre (dont a hérité le président Obama) en quelque chose de bien en un an, deux ans voire quatre», a-t-il relevé. «Mais au moins nous sommes concentrés sur le problème à un degré jamais égalé depuis une décennie».