Les services de renseignement américains étaient sous le feu des critiques mardi, moins d'une semaine après l'attentat qui a tué sept agents de la CIA en Afghanistan et aurait été commis par un agent double d'Al-Qaeda.

Selon la chaîne de télévision américaine NBC, l'auteur de l'attentat suicide, un Jordanien du nom de Humam Khalil Abu-Mulal al-Balawi, aurait été recruté par les services de renseignement de son pays, mais travaillait en secret pour Al-Qaeda.

D'après les milieux islamiques à Amman, il avait obtenu la confiance de l'équipe de la CIA basée à Khost, dans l'est de l'Afghanistan, et a pu dissimuler une ceinture d'explosifs qu'il a fait sauter le 30 décembre, tuant huit personnes, dont sept fonctionnaires de la CIA.

Parallèlement, le chef des services de renseignement militaires américains en Afghanistan a rédigé un rapport accablant sur le travail de ses propres services, séparés de ceux de la CIA.

Dans ce rapport accablant publié sur le site du Center for a New American Security, un groupe de réflexion de Washington, le général Michael Flynn a dénoncé l'amateurisme et l'ignorance de la réalité locale dont feraient preuve les agents des services secrets déployés sur le sol afghan.

Ces derniers «ignorent tout de l'économie locale et des propriétaires fonciers», ont une idée «vague de l'identité des vrais chefs et de la manière de les influencer» et «se tiennent éloignés des gens les mieux placés pour obtenir les réponses», accuse-t-il. Dès lors, les analystes du renseignement ne peuvent qu'«hausser les épaules lorsque leur hiérarchie leur demande des informations et des analyses nécessaires à un combat efficace contre la rébellion».

«Le problème est que ces analystes, dont la plupart sont intelligents, enthousiastes et affamés de savoir, n'obtiennent pas du terrain les informations dont ils ont besoin pour se nourrir, à tel point que plusieurs estiment que leur travail revient plus à dire la bonne aventure qu'à mener des enquêtes sérieuses», note-t-il.

Le général américain appelle à réformer radicalement «un appareil de renseignement toujours incapable de trouver des réponses à des questions fondamentales sur l'environnement dans lequel nous évoluons et sur les gens que nous essayons de protéger et de convaincre» de collaborer.

La Jordanie émet des doutes

Côté jordanien, Amman a émis mardi des doutes sur l'identité de l'auteur de l'attentat. «Il n'y a pas de preuve que Humam est en effet l'auteur de l'attentat», a déclaré à l'AFP un haut responsable jordanien sous couvert d'anonymat.

Des sources proches de sa famille ont indiqué à l'AFP que Humam Khalil Abu-Mulal al-Balawi était un Jordanien d'origine palestinienne. Selon ces sources, il a fait des études en Turquie dans la ville de Tonya (nord-est), et y a épousé une Turque. Il est ensuite allé en Jordanie où il a travaillé dans un hôpital d'un camp de réfugiés palestinien.

Un site islamiste avait indiqué plus tôt que Balawi était un médecin âgé de 36 ans.

Selon NBC, l'auteur de l'attentat avait été envoyé en mission en Afghanistan pour retrouver le numéro deux d'Al-Qaeda, l'Egyptien Ayman al-Zawahiri. Il y travaillait avec un officier des services de renseignement jordaniens, identifié par l'agence de presse officielle jordanienne Petra comme Ali bin Zeid, le huitième homme tué dans l'attentat.

Le gouvernement jordanien a démenti cette information. Mais des membres de la famille du capitaine Ali bin Zeid ont affirmé à l'AFP qu'il se trouvait «en mission en Afghanistan depuis 20 jours» au moment de l'attentat.

«La Jordanie doit être embarrassée car sa coopération avec la CIA a été rendue publique par la mort du capitaine Ali, ce qui a des échos négatifs auprès d'une population majoritairement anti-américaine», a déclaré un diplomate occidental.

Le kamikaze présumé, appelé aussi Abou Doujana al-Kharassani, avait été arrêté pour ses liens avec Al-Qaeda puis recruté par les services de renseignements pour qu'il infiltre cette organisation, selon le site islamique Ana Mouslim.

«Chaque fois que ces informations ont pu être vérifiées par les Américains, leur confiance en Abou Doujana grandissait», selon le site.

À son arrivée à la base de Khost, sous prétexte de fournir des informations sur Zawahiri, un membre de la CIA aurait dit, selon le site: «C'est notre homme, inutile de le fouiller». Puis «il leur a dit: «Approchez pour bien voir». Une fois tous les agents de la CIA réunis autour de lui, il s'est fait exploser», précise Ana Mouslim.