Le président afghan Hamid Karzaï a essuyé un nouveau revers avec le rejet par le parlement de la plupart de ses propositions de ministres, prolongeant la crise politique qui secoue le pays depuis la présidentielle du 20 août.

Sur les 24 noms de ministres proposés par le chef de l'État afghan, les députés n'ont retenu samedi que sept ministres au terme d'un fastidieux vote à bulletin secret.

«C'est un revers politique», a résumé le représentant spécial de l'ONU en Afghanistan, Kai Eide.

«Cela prolonge une situation sans gouvernement en état de fonctionner, une situation qui dure depuis l'été dernier. Et c'est particulièrement inquiétant dans un pays en conflit où il y a tellement de défis à relever et qu'il faut se concentrer sur des réformes urgentes», a-t-il déploré.

«À un moment où l'Afghanistan a besoin d'un gouvernement fort, je pense que la plupart des ministres qui n'ont pas été retenus ont été perçus par le parlement comme pas assez forts pour représenter la nation», estime la députée Shukria Barakzai.

Selon Haroun Mir, directeur du Centre de recherches et d'études politiques en Afghanistan, l'attitude des députés montre surtout le manque de cohésion de la vie politique afghane.

«Il n'y a pas d'organisation, le parlement est fragmenté et il n'y a pas de partis politiques derrière les députés», a-t-il déclaré à l'antenne de Al-Jazeera.

«On n'est pas encore sorti de la crise politique. Le président Karzaï ira à la Conférence de Londres sans rien à offrir», a-t-il ajouté en référence à la grande réunion sur l'avenir de l'Afghanistan prévue le 28 janvier.

Pour le porte-parole de la présidence, Waheed Omar, ce rejet des choix du président, même «s'il ne lui est pas favorable», reflète «la beauté de la démocratie». «Le président va revoir la structure du gouvernement et peut-être que des changements interviendront», a-t-il ajouté.

Seuls les ministres de l'Intérieur, de la Défense, de l'Education, de la Culture, de l'Agriculture et de l'Industrie ont été approuvés. Mais ce sont des ministères importants, ce qui semble montrer que les députés n'ont pas voulu entraver complètement le travail de l'exécutif.

Les ministres-clés de l'Intérieur, Mohammad Hanif Atmar, et de la Défense, Abdul Rahim Wardak, qui avaient le soutien des pays occidentaux, ont ainsi été reconduits.

La seule femme proposée par le président n'a en revanche pas été retenue à la Condition féminine.

Et le titulaire du poste de ministre des Affaires étrangères ne sera choisi qu'après la conférence de Londres, où le ministre sortant Rangin Dadfar Spanta sera présent.

Après le scrutin présidentiel du 20 août marqué par des fraudes massives en sa faveur, le président afghan avait dû répondre aux accusations de corruption et aux critiques qui estiment qu'il se sert du soutien des Occidentaux pour rester au pouvoir et des milliards d'aide étrangère pour enrichir ses proches.

Il avait mis plus d'un mois et demi à présenter au Parlement son gouvernement, composé de groupes hétéroclites rassemblant d'anciens chefs de guerre de la résistance anti-soviétique, leurs anciens adversaires communistes, des technocrates formés en Occident et des personnalités de la société civile.

De leurs côtés, les pays occidentaux, États-Unis en tête, n'ont cessé d'appeler M. Karzaï à lutter contre la corruption et avaient réclamé à ce titre un cabinet constitué de ministres intègres et compétents.

Selon le porte-parole du Parlement, Hasseeb Noori, le président ne peut pas proposer le même candidat à un poste une seconde fois.

Le Parlement étant en vacances d'hiver à partir du 5 janvier pour 45 jours, M. Karzaï ne pourra proposer des noms pour ses 17 ministères vacants qu'à partir du 20 février.